jeudi 27 décembre 2007

Mur

il faudra peut-être y réfléchir à deux fois avant d'aller un peu plus à l'est...

Sehnsucht (wieder)

retour de flamme dans le bois gorgé de nos petites contrariétés - factice

mercredi 26 décembre 2007

Panorama 30 - Douce Nuit


Répéter les pas – laisser les chants glisser sur nos regards muets – retrouver Paris – puis - quitter les lieux avant même que le spectacle soit fini

vendredi 21 décembre 2007

Panorama 28 - Aurora


à toute heure de la journée, lovée dans les intérieurs glacés

mercredi 19 décembre 2007

Volte-Face


trois heures de sommeil
trois coups d’ailes qui se dessinent dans le ciel –

L’adieu au signe

« ... à l’ombre de mes lubies et de mes utopies la capricieuse nostalgie »
Berlin sur son sommeil d’hiver.

mercredi 12 décembre 2007

Panorama 27 - On est pas sérieux quand...


"Encore un jour de pluie que cette fois je surplombe, un ciel clair, un corps creux, la tête entre deux feux. Savoir où l’on est, savoir dans quelle paume la main s’est posée. Mon ami, ton visage n’a laissé qu’un flou, l’espoir de te revoir, de toucher à nouveau la dignité de ta peau comme tenter, seulement, d’apprivoiser l’ombre des fous. Car c’est derrière cette ombre, mon amour, que tu as délié nos horizons. Le soleil brûle sous mes pieds, et maintenant que je sais pouvoir te garder, du bout des doigts qui compt(aient) les longs mois, trois fois, rien, qu’un geste de la main, à peine, nous retient. Oswięcim – Rękawka, maintenant mon amour , il est temps de tout raconter : "

Promesses évitées

On est pas sérieux quand…

lundi 10 décembre 2007

Panorama 26 - Contrepoint


A la croisée des mondes – le cul sur la chaise – le cœur à l’écran – la main blanche agite l’hésitante et lancinante envie de rouvrir les vieux carnets.

Comment faire lorsque l’intime prend toute la place, lorsqu’aux yeux de ceux qui nous croisent, il n’y a plus que le costume, tel le masque, la tête à grimace des responsabilités qu’à un moment donné chaque homme se doit de porter, comment faire lorsque l’intimité s’adapte trop bien au jeu social, comment faire quand le joyeux bordel, quand le jardin secret des enfants devient le terrain d’échange de l’adulte cachant comme personne qu’il ne mérite pas encore, pas encore, pas encore le nom qu’on lui donne ?

Il y a un an, devait s’imposait une mise au point qu’il faut aujourd’hui reprendre. Ne pas oublier que toujours, tout est à reprendre. Les voyages avaient commencé ici, ici où aujourd’hui je m’apprête à repartir vers les « là où j’avais vécu », là où le pas guidait la tête sur les balises de quelques petites envies, là où j’avais laissé à l’ombre de mes lubies et de mes utopies la capricieuse nostalgie. L’été derrière moi, je reprend la route à la découpe d’un ciel atone, je défroisse la page pour y suivre les lignes blanches. A l’envers de la nuit, sous le lit, je vais voir un peu plus à l’Est de mes silences

lundi 5 novembre 2007

dimanche 28 octobre 2007

Panorama 25 - Soliloque

Le 26 octobre, à l’heure atone et tranquille des digestifs qui apaisent l’armada de cafés de la matinée écoulée, Libération posait un temps fort entre deux articles de poid, de fond (mimant l’« idéologie » d’une édifiante fiction) en annonçant : Apprenez le Grec et le Latin au lieu d’étudier le Marketing, vous pourrez ainsi peser sur le monde de manière inattendue. De manière inattendue… de manière inattendue… le son des couverts qui brillent, des torchons humides, des machines qui s’endorment à l’envers des vitrines aurait pu répondre comme suit : Les prophéties de notre époque seront anecdotiques ou ne seront pas.

Journée passive passée à penser à la lumière de tout ce que j’ignore, ne vois pas, ne sais pas, n’entends pas et connais pourtant sur le bout des doigts - ce rythme que j’épouse à chaque pas et que je perçois alors pour la première fois...et voilà que cet antagonisme de fond de bar me fait revivre…

..l’envie d’ajouter au brouhaha tranquille, diaphane, lancinant sur le galop du cadran figé par chaque client qui lève la main sous le ventilateur au souffle lent…à chaque commande passée me vient l’envie d’ajouter que l’éloignement du monde n’est que mission à son égard, l’oubli de ses lois est le fruit de leur connaissance profonde, pour être dépassés les carcans de la norme doivent être éprouvés, qu’aujourd’hui le monde sait, qu’il doit agir, qu’il doit bouger, qu’il a trop engrangé, amassé, rempli des caisses de blé désormais bon à brûler avec les clichés du pragmatisme et de la prospérité. Une table époussetée, le chauffage augmenté d’un ou deux degrés, il est des constats qui vous installent au fond du sofa.

…il y a tellement de vies par là, de vies pour rien, de vies qu’on ne jugent tout simplement pas parce qu’elles ne nous retiennent pas, d’autres qui comme moi suivent le flux, suivent la masse dont ils préservent pourtant chacun de leur pas, chacun de leur choix, d’autres qui comme moi roulent et usent la rue que l’on rêve renversée, déracinée, arrachée au rêve que l'on fait le regard immobile sur l’envers des vitrines, le regard dans les paumes retournées, bien décidé à payer de son silence l’impardonnable innocence des passants qui passent pendant qu’on pense…

Latin grec savoir ancien image marketée d’ésotérisme liophilisé 30 millions de consommateurs à l’éthique breveté le feu des pensées dans une souche attendrie par la pluie tâter la pâte molle la pâte fraîche à tâton à l’ombre des forêts de la reine Kawase tâter les prémisses d’une existence perdant totalement l’esprit qui la pense…

L’éternel Retour

Berlin – géographie précise de mes utopies – pour ta folie appelée Gomorrhe, je te baptise Rome contre ton oubli… Je ne t’ai jamais pensée, jamais réfléchie, je n’ai jamais fait que te sentir à nu sur ton pavé brisé par les racines des arbres qui m’abritaient et au cœur desquels, peut-être, subsiste encore l’espoir de nos mémoires vierges (?)

Pour l’heure, j’espère juste que je ne regretterai pas mes choix pris dans le cadre de cette liberté défendue, attendue qui aujourd’hui se contente de me regarder vieillir.

samedi 20 octobre 2007

Cirque

Je rentre, à la lumière naturelle du beau milieu de la nuit, je ferme les rideaux, je m’approche du lit, le reste d’un rêve, je ris, le rêve de cette nuit : dortoirs, pièces à tuyaux qui rouillent, râles matinaux, carrelage en flaque – Seine Angst weg duschen – écho qui cogne dans les murs, juste sous moi, sous mes pas, sous l’eau, le souvenir d’un tempo…un tempo qui n’en finit jamais de frapper, à la porte, chaque fois quand, je rentre, à la torpeur artificielle du beau voyage fini, je m’approche du lit, je garde ma robe, je rêve, je ris, je rêve, une goutte qui n’en finit pas de tomber sur la petite musique de nuit, et m’indique que le jeu n’est pas fini

jeudi 11 octobre 2007

Wie ein Traum



Ce matin, je me suis réveillée en passant la main sur la patine devenue fine de Berlin, de ses aubes cristalisées sur le papier de ma peau, le papier de ma peau, le papier passé par le flux et le reflux de quelques journées (à peine) écoulées …la main sur la peau où le temps petit à petit écrit - wie ein Traum, wie ein Traum, wie ein Traum - à toute heure du jour et de la nuit

mercredi 3 octobre 2007

Panorama 22 - Les liens

Avoir tant, tout, peut-être trop, vécu là-bas, deux, trois, dix fois, avoir contemplé l’infini des chemins parcourus et desquels nos insomnies ont tissé les liens…puis se rendre compte ici, bien naïvement – dans l’étroitesse de l'instant - que l’on a juste était absent, un tout petit moment …

Als das Kind Kind war, ging es mit hängenden Armen,
Wollte, des Bach sei ein Fluss, der Fluss sein ein Strom
Und diese Pfütze das Meer.
Als das Kind Kind war, wusste es nicht , dass es Kind war,
Alles war ihm beseelt,
Und alle Seelen waren eins
Peter Handke,

vendredi 28 septembre 2007

Dans ma peau



Je crois que c'est l’attente qui guérit du passage du temps : Être cet espion curieux et conscient de la condition de l'homme qu'il est et avec lequel, il a décidé de jouer...
Je ne crois plus qu’au geste, je ne crois plus qu’au silence voyageur et invincible qui tombe sur les pierres éphèmères de nos exigences et de nos croyances comme une ironie légère. Sur le départ, le cœur en paix et en miettes je retiens dans l’ombre de ma main - tremblante d’avoir trop vécu - les dés qui me servent désormais à compter … compter les pas qui me séparent maintenant d’un monde n’ayant fait pendant tout ce temps, peut-être, que me rêver… Je serre les dents, fléchis la tête vers le halo acqueux que la lumière répand, oublie que dehors il pleut. J’entends tous mes espoirs dans le grésillement de la petite aiguille, tous mes espoirs bruyants débordants piqués à vif par le silence tactile de l’encre qui les guide :

Impatiente - Wie eine Kind -
Leichtfertig
Inconsciente - Wie eine Kind -
Leichtherzig
Mutique - Wie eine Kind -
Müde
Musique – Wie ein Traüm

(Lentement - la main sur le papier blanc)

..Réveillée par le départ de l’amant, par l’envers atone des draps qu’a froissé le jour prématuré. Réveillée par la petite musique du temps, ce moment où l’aube attend et fait tomber comme les pierres les rêves d’enfants avant d’inscrire éternellement tous ces mots dans ma peau

jeudi 27 septembre 2007

mardi 25 septembre 2007

vendredi 21 septembre 2007

Panorama 21 - Utopia

Silence
– silence et froid, et puis un trou aussi, par ci par -


Le regard qui se perd sur des contours qui n’existent pas.
C’est en voyant les aires vides, en retenant l’histoire dans les coups de vent, dans les interrogations ou peut-être juste dans les sensations, que l’on comprend la souffrance d’une ville - cette ville où pullulent les friches des grands évènements. L’histoire est ici une âme errante dont l’ombre se repose tant aux portes d’un musée qu’à l’entrée d’un McDo…

- ils étaient , on le sent, on le sent à s’y brûler les doigts -

…et c’est parce qu’il n’en reste plus de trace

– L’odeur de l’absence -

… que l’on comprend la patience de cette ville. Aujourd’hui Berlin est une Babel sans tours, sans murs, sans autre chose que la lumière alanguie sur la fenêtre où se reflète l’infini des boulevards – les Modern Things qui défilent jusqu’au bout de la nuit – les édifices qui veillent les parcours des trains de nuit, sommeillent sur la poussière des archives qu’on déterre. Le silence d’une ville à l’heure où la nuit défile…défile et n’en finit jamais…contre les angles gargantuesques de trottoirs au bord des hangards où ne se cogne qu’un regard – espoir qui vous espionne : regarder fixement défiler le temps, le temps qui vernit les moments ouvrant des espaces réservés, des espaces à l’envers du temps, des évènements, des façades rénovés, de l’ennui et des miroirs brisés, des espaces où penser la beauté.

Des moments où l’on comprend simplement que Berlin n’est qu’Utopie.

- Utopia, je prends un détour, Europa j’ai tâté tes contours qui me mènent droit au Panorama où…

…chasser la mélancolie du jour là où la nuit tenace s’amuse à polir le temps, à jouer hors les mûrs la monotonie des horloges sur laquelle on plit et déplit son lit. L’instant ne connaît pas de jour, ne connaît pas de temps. Il est un rythme, tout simplement, un rythme à nu, têtu, uniquement vêtu du souffle suant de tous ceux qui tentent de le suivre en dansant…le suivre en fuyant l’idée du retard sur la nuit comme un don qui nous sera repris. Alors on ne cesse pas, on prie, on prie sans foi, sans voix, avec rien d’autre que la certitude viscérale que quelqu’un d’autre danse sur le toit (que l’on ne voit pas de là) - on prie, on prie la chaleur intérieur du béton prêt à céder sous nos membres exsangues alors que le jour s’y heurte de toute ses forces, on prie à l’heure où d’autres son protégés par le sommeil, on prie les visages soumis aux exigences de corps qui ne pensent plus, qui dansent et dissuadent le soleil précoce de faire sonner ses horloges. On prie et on espère que brille encore un peu leurs paupières de verre, leurs regards accrochés à la chaleur d’un néon où grille ce qu’il leur reste d’énergie. Il y en a un, soudain, qui ouvre une mangue fraîche où viennent se ruer les traces de lipstick pendant que l’Aube, enfin, nous offrent ses déesses frénétiques, leurs gestes arachnéïques venus atiser le regard de ceux qui ont tout donné. Aveugles à l’heure où malgré la clarté du dernier dimanche d’été, persiste un coin d’ombre à l’envers du soleil, de sa ronde et du jeu de la volonté, un envers de cette vie qui en a marre de son cycle, un envers fait d’envie et d’excès - amnésique et anonyme Temple qui déborde de son ombre, un centre du monde que l’on nomme utopie et qui se tient là, devant moi – panorama à deux pas de l'absence de cette époque là

Chaque soir, Berlin reprend son rythme au milieu de nulle part, comme on perd la mémoire, accrochée à la jeunesse de celui qui a oublié son histoire. Chaque soir, Berlin scande son mythe à l’angle de tous les trottoirs où je me suis arrêtée pour écouter…

…l’eau brûlante sur l’émaille ébréché, l’enseigne du magasin vide qui grésille sur le seuil de la nuit, l’odeur assourdissante des usines abandonnées, le silence sacré des rues bondées, les journaux de la veilles chiffonnés par le vent, le froid qui s’agrippent au devant des vitrines, la course des travailleurs du lundi sur les heures de sommeil manqués…et dans le bruit de la vie, le bruit de ma ville résonne encore cette musique qui s’accapare toutes mes nuits :

Utopie

samedi 15 septembre 2007

Panorama 20 - Europa


Jetzt – Zwei Tage später – fühle ich nur tiefe Sehnsucht – je me suis arrêtée là, au bord de la route - Suche ich nur dieselbe Stimmung - je hume - dieselbe Architektur - la lumière crue qui saigne à vif tous les objectifs - dieselbe Figur - je cherche une vitrine, une enseigne - dieselbe Frau – la même. Poussée par un besoin qui ne se nomme pas et vous plombe les bras, je m’assoie et regarde les derniers jours d’un voyage passer devant moi. Die neue Zauberkeit heisst Gewalt, (Ver)Zweiflung Winter und Ausstrahlung. Je compte et m’assoie - Es fehlt mir etwas – aber was ?

Europa – j’ai laissé mon sommeil là-bas

Je conte et m’assoie…

…aveuglée par la volonté de pouvoir regarder de tous les côtés aux quatre pôles que mes caprices ont fixés. Le vent de l’est qui bat et vous parle, vous appelle et vous hâpe – (Vor) Schlag – J’ai quitté mon lit en pleine nuit, retracé mille fois les itinéraires qui de jour ne trompent pas, j’ai rêvé dans des trains qui surplombent les montagnes glacées, dormi dans des wagons doré à la lumière de la nuit, aux côtés des femmes qui ont salué mon silence en mettant un peu d’ombre sur leurs lèvres, j’ai vu des nefs, des gares, des fôrets, des faces minés cacher le soleil des longues promenades de fin de journée – j’ai voyagé, seule, vétue de la naïveté de celui qui ne veut jamais s’arrêter … face au vent glacé, le vent de l’est qui bat et vous parle … (Vor) schlag.

J’ai dépassé le périmètre de la cours carré, la cours où j’ai courru, cherché, oublié l’amant parti sans me réveiller.

Europa – la fin du voyage dans mes draps

weiss und breit…

dimanche 2 septembre 2007

Panorama 18 - (Sehnsucht)

Débarasser la table, refermer son livre sur la page marquée que l’on a pas terminée, … prendre son étui à lunettes, passer la porte et ranger ses clefs dans la poche trouée, dévaler les escaliers, la fenêtre d’entre les deux étages, celle sur le rebord de laquelle est posé le petit arbre dont les feuilles touchent le ciel, comprendre qu’on est encore haut, qu’on est encore loin, accélérer la cadence, ouvrir la boîte aux lettres avec la clef qu’on ne confond plus, tasser le courrier de la veille puis sortir, à l’ombre de ce silence qui nous fait oublier la course qu’on vient d’achever, qui nous fait oublier l’heure qu’il est, redresser le col du manteau, retrouver son vélo, s’atteler, et puis foncer sous les arbres à l’abri desquels on avait oublié qu’il fait encore nuit

Tâter un peu de l’hiver du dernier jour d’août, tracer un cercle sur le pavé et puis retourner, l’appartement, la chambre, vers la fenêtre encore grande ouverte…

...pendant que la nuit continue de danser sans compter, à battre dans le bide de ceux qui sont en face, le regard alentour, les pensées dans mes détours, en désordre et encerclés par un nulle part que l'on nomme Panorama

samedi 25 août 2007

mercredi 22 août 2007

Panorama 17 - Monumental

…à peine quelques heures plus tard, je relevais la tête, mais seulement la tête, comme si je m’étais simplement étourdie de l’immobilité de mon corps – stoïque et fragile à la fois, imperturbable mais vulnérable – tendu entre le souffle de la lune et les rainures du plancher. Je rêvais. Sous le noir des draps qui recouvre la clarté de ces rêves interrompus trop vite, à peine quelques heures après avoir cherché l’obscurité – et ainsi depuis toujours, depuis la petite éternité, l’utopie dont je suis l’unique touriste – je me réveille, repoussant loin devant moi l’impression de n’avoir pas une minute dormi. Je me réveille. Sous le ciel lourd de midi, il fait encore nuit.

J’ai rêvé des rues toutes plates qui portent le nom de montagnes, j’ai rêvé des panneaux que l’on cache dans l’ombre des places en chantier, j’ai rêvé de ces balises perdues depuis que personne ne les voit plus, j’ai rêvé d’anges amoureux d’une tour de ferraille, de fièvres, de feux, j’ai rêvé de trois flambeaux rouges dans le ventre des nuages, j’ai rêvé que je levais mon verre à la prophétie des égarés, des sans bagages, des sans visages, des sans soucis. Authentique et rêvé. Maintenant, me voilà à la table d’un orage sans pluie. Absurde et incarné. Je veux juste ouvrir les yeux mais impossible car … le crie …. Je veux juste recueillir à nouveau le premier souffle de la journée mais impossible car … le crie … Je veux juste ne plus avoir à me réveiller. Impossible, je crie. Je crie derrière le bruit, devant, au-dedans de lui, je crie à m’en donner le tourni. Je crie à me rompre les poignets sur le bois des portes fermés. Je crie sur l’envers de la nuit. Tout le monde est réveillé. Tout le monde longe les routes que trace la surdité des journées solaires. Pas de lumière – moment creux, entre deux temps, entre deux songes, surface ronde et lunaire à la rencontre du ciel et de ma fenêtre grande ouverte, surface sourde et féconde à l’affût d’un bruit, à l’affût du passage de quelques petites gouttes ayant tout oublié du début de leur course. Immobile, neuve et rompue, je reste sans voix à la vue d’une autre journée qui étend sa fascinante évidence, immense, devant moi.

samedi 18 août 2007

Panorama 16 - A....pprivoiser

Comme on gravit des montagnes, courrir les horizons plats, pas en avant, tout le temps, perspectives, dégringolades et vitrines à contre courant - à l’approche. Obsession qui déroule les kilomètres et s’enroule dans les draps. Ne plus compter les jours, vivre dans le bruit des assiettes retournées, du silence par-dessus les forêts et dans l’ombre précise de la cour carrée. Seule dans le rêve d’un géant, à deux pas d’une usine que le vent vide – un géant que l’on nomme Ziel, qui vous regarde au-dedans de l’âme et vous tient dans l’Illusion qui vous étreind.
Künstlich à regarder vivre les artistes alors qu’on ne cherche qu’à voir passer les gens, éternellement. Tous, le regard suspendu aux rayons bleus d’un écran - perdue - fin de journée lorgnant le dernier étage d’un café aux vitrines qui débordent (encore) des Allee – des Allee où l’ombre d’A.... s’est arrêtée.

L’air du temps a la saveur exquise et piègeuse du printemps soulevant la cime des arbres, les antennes des tramways et ces néons de feux aux couleurs qui vous tendent les bras, vous auréolent et finissent par vous brûler les yeux…

A.... est là, face à moi. Son regard – absence berçant les interrogations – et tout autour le brouhaha. Fragile – volubile - bleu de ses yeux sur son geste qui tremble - ombre de nos mains posées sur le bois de cette table où s’allonge encore le crépuscule de l’été - le même – interminable - béni par l’éternité à laquelle on croit et à laquelle on offre le dessein de nos journées. Il faut avoir fait du chemin pour savoir d’où l’on vient, et toujours, prendre des détours lorsqu’on a décidé d’en parler. Lumière dense - apprendre à nommer – les yeux bandés - mais surtout soutenir le regard d’A.... qui se contentera de poser des questions sur toi – oui toi - dans le caprice de sa langue qui se fait entendre derrière elle, devant moi - sa langue qui va rompre son écho à l’endroit où le soleil plante sa lance, faisant des horizons de cette ville un point fixe… ein Ziel - repos des illusions.

La nuit tombée, me vient soudain l’envie incongrue, d’aller de l’autre côté de ma rue.

vendredi 10 août 2007

Panorama 15 - Rester ici

Prévoir,
mesurer,
anticiper.
(dé) comptes
pour rien
personne
nulle part

en construction

Pleine lumière, sur les terrains vagues, entre les boulevards et l’ombre vaporeuse en dedans des trottoirs.
Un homme fige sa marche aux portes d’une usine dont les murs flottent de part et d’autre de leur histoire. Jetzt, chacun crée comme il marche, comme il raconte justement sa propre histoire. Des hommes au regard de pierres, qui lèvent de grands verres où cogne la lumière, des hommes qui vous tendent la main comme on caresse la poussière. Le temps cesse à heure fixe pour nous faire entendre le récit qu’eux… le récit qu’il… le récit que l’on promène au fond du sac qui leste nos pas, nos Allee mécaniques, nos coups de pédale arythmétiques vers la voie d’un impossible retour, le récit sur lequel se dressent nos envies … recht, links, links rechts … il y en a qui mieux que moi ont appris à compter, à prévoir, mesurer, anticiper ; à compter pour se défaire des chiffres ; à compter non pour entasser mais pour étendre la terre, la terre gorgée de ce plein été en fonte sur nos nuit... la terre à mesure des désirs de celui venu s’y perdre. Un été en roue libre sur le crépuscule des principes, des lois, des idées qui nous somment de nous arrêter là. Le premier été.
L’homme, la face pleine d’ombre et de sueur, la face pleine de doute et d’ardeur, plonge à nouveau son regard dans les dernières larmes d’un feu qui s’éteint. Un souffle, je vole son image et repars. Factice et authentique : je ne fais que provoquer le hasard, décidée à faire confiance à cette chimie qui remet en cause ce temps, le temps à perdre, à consacrer, à meubler contre le moment d’une petite halte. Un détour qui n’en a pas fini de nous posséder. Je marche comme on tâte le hasard d’une simple rencontre, à l’aveugle, à l’abri du temps qui se détourne, se retourne, se replie puis reprend… jusqu’à ce que la nuit vienne, jusqu’à ce que ma course se dérobe au regard d’un autre homme qui m’attend, là, nulle part.

samedi 4 août 2007

Panorama 14 - Premiers instants


Le temps c’est la lumière qui tourne sur les bancs d’un grand parc dont tout le monde a pris congé et qui à l’horizon du dôme de la rue O… s’éteint, doucement. L’été se compte, l’été se tâte en souvenirs dont on a fait table rase (les doigts repassant les engelures du bois). Des souvenirs en suspend sur les reflets naissants de boulevards béants. La folie d’une ville où l’imagination s’est épuisée. La folie d’une ville qui déborde encore des rêves qu’on lui a cédé. La furie d’une ville dont les frontières suivent le galop de celui qui erre. Le temps, c’est cette histoire qu’il me raconte (l’homme fenêtre dans le cadre de ses trop grandes lunettes), le bel héritage qu’il est venu chercher le long des lignes courbes de pages que je n’écrirais peut-être jamais, le mythe de celui qui toutes les nuits ouvrait à la course du dernier cavalier le pont levis de ce chateau que nos itinéraires ont oubliés. En son fort, le carrosse ne se métamorpose plus désormais, mais disparaît. Dans un petit coin de verre – verre poli sur la sagesse des arbres qui s’y regardent - le regard du conteur, unique et vertical, rendu à cette lumière qui berce son silence royal, partout, tout autour. Je n’ai pas peur. Le temps, c’est aussi savoir se taire au bon moment.
Nous voilà donc disponibles ! rendus à ces actes dont la nécessité passe, passe avec le vent. A mains nues. Mais nous voilà également ouverts à la vision imparable de cette silhouette, ombre qui se creuse au fond du jardin, immobile, soliloque étouffé de l’homme figé par la voix de son époque, d'une époque qui hurle et lutte contre le souffle des monuments absents. S’en est fini des gestes guidés par la précision d’une pensée qui ne fait que se fuir, remuant ciel et terre. Nous détournons les yeux, imposant alors un silence fait de chair et de sang. Eteindre les cadres d’or et de vide où l’Aufklärerich fait vivre sa famille. Je l’écoute me raconter qu’une fois sa course achevée, le cavalier venait se reposer au pied d’un arbre déraciné. J’écoute l’histoire transmise, l’histoire nourrie du silence de celui qui y croit – celui qui se tait – celui qui s’y voit. Et la nuit imminente qui semble lutter contre le feu des ces journées montées trop vite, les jours sages et impatients auxquels participe le mythe. Jetzt, Berlin, premiers instants

vendredi 3 août 2007

Panorama 13 - à pas d'heure

Pour l'heure je ne garde que l'écart d'une horloge qui retarde. L'heure attendue. L'instant éperdu. L’heure qui n’est plus qu’un retard, retard sur la nuit retord qui me regarde, m'attend. Je tarde, (reprends) hésite, me ravise, me butte et fige. (maintenant). Je reprends : le tant attendu qui tarde et me nargue. Ecart. J'attend

dimanche 29 juillet 2007

(l'autre) Panorama 12

Des nécessités sans voix et sans verve qu’entre sommeil et langueur, on nomme Wegweiser.

(Bas) pas à pas

Immobile. Je me répète, je me replie, je me reprends. Immobile sur ma voix dédoublée. On dit que la parole suit la dictée des gestes – gesetz – assis, béants sur leurs sieste . J’imagine le temps qui passe sur le même chemin, en remue un peu la terre pour y inscrire la trace de mes pas, puis chasser les bois effacés, les cabanes et les petits lits ensevelis sous la chute du verre mitraillé. Silence - l’aube des départs qui se lève sur une ombre fixe, vicée. Mon regard figé sur les mots en bribes brisant les derniers éclats de ma voix qui se traîne sous mes pas…

(Haut) petites pensées notées sur papiers à semer

La distance nous protège dès lors que nos désirs l’ont mesurée. On passe ainsi toutes les nuits dans la chaleur d’un horizon qui ne se couche jamais. On rêve. Les murs de la maison deviennent ces voiles limpides au travers desquels on trace la perspective de nos envies, à même le ciel… le ciel de nos soupirs, de nos désirs charnels … le ciel rendu à cette silhouette lunaire, à la proue d’un navire qui de jour, de nuit, de tout le temps qu’il nous a fallut pour le dessiner, n’a jamais bougé sa majesté. Maintenant, la volonté nous ébranle, la réalité des choses est une barque qui tangue, brise les prières, le calme de la mer et son rayon vert. L’ horizon qui fuit et, entre le jour et la nuit, la ville sur l’eau, la ville sous le poid des mots, la peur. Je dors. Les heures à compter, des petits papiers dans mes poings fermés.

(Centre) Gegenüber

A mon silence qui se cherche dans des pages que le temps n’a pas voulu garder, une fois, elle a murmuré qu’une histoire ne s’oublie pas et que certains se trompent sur l’empreinte de celles qui n’ont jamais existées. Elle a souri, m’a invitée à m’asseoir sur le fauteuil en face – entre elle et moi, un geste maladroit, dressé par l’attente, déçu par les intentions restées sans nom. J’ai ouvert les paumes pour me délester des obstacles, des détours, de l’échos des portes que du bout de la rue, de l’autre côté de la Karl-Marx Allee, on entend se fermer. Elle, la première à parler, à parler cette langue qui connaît un mot pour le lien aux choses, un autre pour celui aux gens… je raconte cette après midi blanche, quelques instants sourds, la chaleur épuisée des quais privés de la fraîcheur du vent sur l’eau. Je retrace le chemin de l’urgence, de l’attente, de la peur, de l’immobilité. Je passe l’envers du décor et fixe mon ombre entre un nom que mon regard semble avoir gravé dans la pierre qui l’a toujours porté et la fenêtre grande ouverte de l’appartement ivre des heures passées en tête à tête avec le plus vieux pont de la ville … un appartement vide de ses livres, devant lequel on vient, on retourne, on oublie et laisse tout ce qu’on s’est un jour contenté d’espérer, de l’autre côté du quai, le quai face à l’appartement, où c’est bien mon départ que ma dame attend

(Ailleurs)

horizons las

Non je ne me réveillerai pas - La fatigue du jour précédent sur l’euphorie de celui qui vient – on gratte à la porte mais non je ne me réveillerai pas – le jour que l’on entend de loin – peut importe les ombres qui grouillent sur les murs encore verts des premières lumières - qui s’approche aveugle par l’envers du chemin - je me tend puis retombe – et qui vous tient – à la blancheur du lit - vous retient – aux draps lourds – aux bras de la nuit – du sommeil qui s’effondre - vous lie les poings – silence - alors vient – de l’autre côté de la ville on part - vient – ici on tente de soutenir ces regards - le sommeil léger sur les portes closes – les rideaux chassés par le ciel - léger, léger – sur le réveil des départs précipités - le sommeil qu’ on ne parvient pas à dissiper – on court – qui nous innonde - sans relâche – puis nous laisse

dimanche 22 juillet 2007

panorama 12 - Vanishing Point

... j’ai bel et bien rêvé l’allée qui traverse le jardin jusqu’à l’entrée de la maison. Les assiettes en carton et les serviettes chiffonnées que le vent a éparpillé sur la pelouse, la porte grande ouverte à l’ombre du cerisier et le chandelier sur la table désservie du salon. Pleine lumière qui cerne la découpe de quatre cadres fixés au mur, au fond. Aquarelle et gestes cernés, la perspective unique de souvenirs anamorphosés, le dessin flasque et mobile pour seul point d’horizon. Et puis il y a cette porte qui s’entrouvre et se ferme, et dans sa grande respiration, tire toute la lumière de la maison sur l’ombre de la fille qui dort. Je vais, je viens. C’est bête, je me souviens.
Que chacun tire les enseignements des regards que nous ont adressés les sans voix, les sans noms, les ancêtres rêvés.

Elle, avec elle on bataissait des phrases comme on construit les maisons - du verre, crépusculaire, derrière lequel des gens viennent, vont. Il suffisait que j’ouvre le livre pour que les mots lui reviennent. Des notices, des petits papiers impossibles à replier et des dictionnaires en langue étrangère. Elle laisse les considérations branlantes et discordantes derrière les portes qu’elle referme derrière vous, elle lève le verre des horloges et avance, pas à pas, parlant, la voix haute et claire, de l’enfance de quatre portraits encore inanimés. Un peu plus loin, on finit sa nuit. Là, le ciel n’existe que par la fente des volets. La voix, la marche, les nécessités aveugles et la posésie lointaine des gens autour, partout, et toujours derrière le dos qui se tourne, derrière la nuque qui se tasse et s’éteind sur le grondement d’une voix retournant les tables de ceux qui ne la voient pas, qui ne veulent pas. Un peu plus loin, on défait son lit. Là, il paraît qu’un homme écrit… à côté de moi, quatre voix me demandent « quoi ? il écrit quoi ?». Pâle, je leur réponds « la place est vide ». Et Lui, dans sa course folle préfère les troncs secs et leur parole à poussière aux bras de son père. Son nom appartient au enfants qui ne reverront jamais la maison : Der Aufklärerisch. Je voudrais fermer les volets. Un peu plus loin, on s’est réveillé.
Elle, sourit de l’audace de ses enfants qui n’ont pas de mal à compter les piétinements de cet homme-là. Alors Elle sourit de cette proximitée que la nappe froissée à la place du chandelier, entre nous, rend encore plus ténue. On tourne, on ose pas, on écoute, on s’asseoit, on maintient la distance qui nous précipite dans ses bras. Puis (peut-être), on s’aperçoit qu’entre le verre, l’ombre des fées, de bambinss acrobates, des pantins du passés, qu’entre le miroir et son sourire blanc à brûler les pages ressassées, seul notre regard perciste. Il affûte, chevauche les mots et la grande marche des idées, puis une fois seul, dessine d’un même trait le contour des pierres qui guident la marche des égarés (l’architecte s’est enivré de leur musique - langues du monde entier ayant maudit le même sang courrant dans une tour de flamme et de fer - silencieux, sur le ciel de ses idées). Tout ne bouge que du dehors, que de derrière la verticale du verre et l’angle mort des coins de rue animées. Ici, on parle comme sur du bois peint, on pose la toile.

mercredi 20 juin 2007

Rencontre

Il ne s’était pas arrêté de parler, d’assez longues promesses et pensées alanguies pour faire le tour de son doigt raidi. Il ne lui lachait pas la main. Alors il compris que les moments sacrés se résument en trois fois rien : les clous polis et chauffés sur le dossier d’une chaise déplacée, les petites illusions de la spectatrice qui attend que l’on passe la dernière marche de l’escalier, sur le seuil de la porte la stature de deux Géants de santal et de fer blanc qu’il est interdit de toucher, et enfin les petites saveurs de l’enfance qui traînent au bas de leurs jupons sur le pavé mouillé. Ils sont arrivé là, les jeunes mariés, bercés des illusions que celle qui de loin les observe tenait pour convictions. Enfance et rémanence des contes au moment où le héros au bras de sa sœur danse sur la branche qui borde le ravin. Une alliance pour les uns, et pour les autres, les cartes en main. Les rouages métaliques du romantisme et les passions immobiles des pantins trainant les trottoirs, comme quelqu’un qui vous regarde de la fenêtre des maisons vides. Silence, on barvarde et on pense…puis on s’arrête là, au coin de la rue où il la rencontra, au moment où il ne fit qu’un pas comme on ferme derrière soi le cycle de l’enfance que l’on croyait avoir quitté il y a longtemps.

lundi 11 juin 2007

Histoire en cours

Moi Ivan, toi Abraham, Yolande Zauberman (1993)

La pluie sur les fenêtres telle la patine du noir et blanc sur l’écran. Le verre passerelle entre la nuit passée et la journée à peine achevée. Regarder fixement, droit devant comme on ouvre en grand la fenêtre de son appartement.


Lumière jaune et pierre qui fume entre l’eau qui ruisselle et le halo ouateux des enseignes. La vue dans les flaques, la vue qui plonge sur la rue, la rue où c’est le monde qui se noie. Une route qui n’en finit pas, n’en finit pas, n'en finit pas de retarder l’heure de rentrer chez soi. Répendre l’éclat du ciel sur le bitume. Marcher à contre-jour. Payer des couleurs du jour la perte des habitudes. Garder les ombres chaudes de la nuit pour horizon unique et oser lui opposer le noir paisible de quelques pensées reconstituées. Enfin, parler seul, parler fort, s'entendre ailleurs ou ne dire qu’à soi, à la poussière qui file sous nos pas, qu’il s’est écoulé une journée déjà entre l’histoire et la mémoire du siècle que l’on ne connaît plus. Raie de lumière contre les barreaux du lit. Eclair blanc qui brise le sommeil des innocents. Et puis la certitude, la certitude qui cogne au tempe, ride les sourires et vrille les veines de nos poings serrées. Cette certitude que la dernière image de l’écran est juste le signe d’un commencement : Là où certains ont inscrit le deuil de la vieille Europe sur les pierres érodées, au dos des livres retournés et dans la voix de ce qui n’ont pas vu mais vivent de la peur d’oublier, d’autres dessinent les frontières d’un monde changeant à la surface de l'écran.

La pluie sur la patine du noir et blanc. Lumière passée, lumières passerelle, lumière artificielle qui donne envie d’ouvrir les fenêtres en grand et tient pour unique commencement le cadre de l'écran.

jeudi 31 mai 2007

Panorama 11 - Visions

Wer reitet so spät durch Nacht und Wind ?
Goethe, Erlkönig


La route qui dégivre les conversations vaines et apathiques sur les vitres des airs de repos, Far, Far, Far Wen (fer)sehe ich ? pleins phares chaque fois que je parle à mon voisin qui marche sur mon pas et ne me comprend pas, des ponts sur l’envers du soleil courant vers des rives inatteignables, bordées de pancartes où vibre encore le reflet de la nuit passée, Tourne, Tourne, Tourne le cœur de la Turm dans les nuages épais, tourmentée, Kosmos en lettres de lumières sur le pavé de la Karl-Marx Allee, ne garder que ta nuque comme l’horizon unique d’une route interminable, la marche déguingandée des anges, arracher aux tilleuils leurs feuilles que l’ont agite par-dessus l’épaule pour effrayer le vent, découvrir des tombes sous les lys, les pensées et les bosquets, des voix lointaines et des discutions sirotées à la sève des audaces imparfaites et satisfaites, puis l’orage, un refrain millimétré, la catastrophe chronique qui rassure les désespérés, le lendemain, une roue crevée sur un éclat de verre, souvenirs, revenir sur ses pas, s’arrêter aux portes des écoles désertes, dévier encore une fois sa route pour contourner les plaines, garder ses questions en tête, se réveiller encore dans la chaleur des draps qui ne nous appartiennent pas, vivre de l’impression de n’appartenir qu’à soi, te tomber dans les bras, s’accrocher à des rêves que l’on refera encore une fois, partir, murmurer « ne te retourne pas » dans toutes les langues que l’on ne connaît pas, la Turm dans le ciel qui se couvre, le parfum du sable et la froideur du marbre sur les trottoirs de la Karl-Marx Allee, rentrer pour repartir, les pensées gratte-papier, gravir les montagnes invisibles sur des kilomètres de rivages plats, écrire son nom avec deux L, HimmelWeg, vague, voix, puis départ, un peu plus loin, là-bas…

Ich reite allein.

lundi 21 mai 2007

Mythique


Permettez-moi de prendre congé pour un moment du temps qui passe et de mes rêvent qui se déplacent...(je laisse trainer le nom de La Ville dans ma bouche encore docile.)

samedi 12 mai 2007

Mu(t)ique

Attendre que les ombres s’allongent sur nos paupières closes. Attendre d’être seul et silencieux, à la surface du feu. Ignorant, seul, innocent. Puis commencer à écrire seulement. La paume contre le blanc, les doigts pris dans les fibres du papier, l’encre dans la voix. Mutique…
…Musique. Trois pas en avant sur leurs silhouettes déguingandées par la fin du jour. Certains jouent à se battre contre l’attente des autres, contre des visages que la lumière dévore sans affres, sans traces, et sans détour - et l’impatience qui se charge du reste. Rêver que notre marche nous mène par-dessus bord. Et grisé par les regards anecdotiques, les retrouvailles d’un soir sur les adieux de la semaine passée, sur l’insignifiance radieuse des lieux, continuer d’avancer. Nous voilà tous sur ce bateau qui fixe sa ligne molle à la surface des flots – immobilefull-moon - contre les néons blêmes et le reflet des trottoirs de la ville abandonnée par l’observation des oublieux d’un soir, prêts à danser alors que déjà l’orage soulève les vagues.
L’attente, enfin - qui a défaut d’avoir un but a au moins une fin - découvre les visages, lisses, fermés et pourtant curieux de ceux qui passent et viennent, les mêmes, muets. Et puis il y a ce couple qui rôde, arrivés les derniers et n’ayant même pas défait leur veste qu’à grands coups de flash déjà il rabottent le plancher de ceux qui se cachent pour danser. Je suis les suiveurs qui vous épient dans les fumées, dans la paresse, dans la sueur qui supplie le verre des fenêtres, dans le silence des horizons et de la parole blanchie par les pensées trop amples. Danser pour prendre le temps de ne pas penser, effacer la trace de tous ceux qui nous ont devancés, précédés, doublés et puis parfois aussi s’amuser à compter, à compter avec le silence des petits bâtons tracés sur le papier…
…Un deux trois jours plus tôt, déchirer l’enveloppe en trois morceaux, le temps d’attendre que la musique sonne, le temps d’attendre et de comprendre que je suis ici l’immobile que j’étais là-bas face au retour de ta voix.

mardi 8 mai 2007

Deux jours trop tard


Place de la Bastille - matin du 8 mai
Grasse matinée. Sommeil profité, consommé, sucé jusqu’à la lie et réveil inéluctable sur le ciel vide. Jour de congé. Avant de sortir du lit vers la longue matinée qui s’allonge sur nos bras, s’étirer et repousser d’un geste qui n’en finit pas l’embarras d’une journée à commémorer - celle qui vrille à l’envers des vitres brisées et des murs burinés au mortier. Sourire à l’oubli des dates, rajouter une louche dans la gamelle du chien dont la docilité - les jours chômés, les jours mérités - nous apparaît sagesse. Sourire de ce juste retour des choses, sourire aux jours apaisés d’un printemps pareil à ceux qui nous éloignent d’année en année de l’automne du siècle, du crépuscule des dieux, de l’arrivée des idôles qui frappent à nos portes. Figé un sourire rance et s’imprégner des horizons suffoqué par la «Victoire du mérite». Sortir de chez soi un 8 mai, sans savoir où aller (ailleurs les fanfares peut-être…). Puis partir, à pied et oublier le sens que la marche, un jour, un temps (il a suffit d’une fois) nous a indiqué. Descendre les boulevards déserts en desserrant la ceinture. Bastille, « tranquille » en espadrille sur l’ombre encore féroce des boucliers qui s’y sont dressés. Les bras ballants, renoncer à chercher la force vive et descendre, encore, en desserrant, en délestant, en décharnant, en jouant le jeu de la confiance, de la conscience tranquille. Perdre la notion du temps. Se voir dans l’histoire comme dans un miroir dont il faudrait hurler le nom : « Maintenant ! ». Sourire de toutes ses dents pour dominer la peur des absents. Dormir encore sur le souffle des heures chaudes que l’on a traînées jusqu’ici, sur le rythme des journées passées. Marcher en travers des rues vides, couper la route aux passants de demain, aux offensés d’hier, et contempler son reflet dans le verre intact de vitrines opaques. Savourer la tranquilité d’un jour à commémorer, sourire au désastre de la vieille et s’enivrer des remous lent du temps qui recule en nous regardant. S’étonner en se disant que nous sommes seulement deux jours trop tard.

dimanche 6 mai 2007

Le désir des immobiles -



Nous avions attendu. Une femme est passé, a posé son vélo pour se délivrer d’un sourire offert à tous ceux qui voulaient bien la regarder pour sourire en retour, à l’annonce de son mariage prochain. Sur les toile cirées, le vent d’un printemps déjà sec en avance sur l’été. Baisser le store, poser encore et dans un nombre toujours plus important même les verres, à pieds, teintés, retournés que l’heure et son climat exigent. Pause.
Nous attendions dans l’ombre charmante de nos habitudes, là où même le visage des passants nous est familier, là où l’on croit connaître ce qui reste innommé, là où les déjà-vus, déjà-dits réveillent justement notre curiosité. Nous attendions dans un monde complet, paisible, satisfait et que l’ignorance du reste rendait invincible. C’est alors qu’il s’est assis, lui. Il a posé sur notre table un chapeau sombre et rigide qui le faisait mentir sur sa véritable taille. Il s’est serré dans sa veste déjà petite, menu et presque invisible au manège à grimaces et à grands gestes des habitués ; le crâne nu, à ciel ouvert sur ses histoires de plaines, de goulags, de Kamtchatka et de neiges qui n’en finissent pas … L’étranger, tout petit, s’est arrêté pour nous raconter le périple des exilés, de ceux qui ne sont jamais mariés. Voyage ironique qui réjouit, qui enivre, qui hante et nous fait rêver les chaises retournées sur les tables de l’accoutumance.

mardi 1 mai 2007

Métamorphose


Hissées sur des talons, la pointe des pieds gonflée par l’orgueil qui porte au loin le regard, contre la lumière brûlante. De face, la silhouette haletante, je crois que je marche, je rêve que j’avance et ne fait que l’écouter, elle, parler, tout en me tortillant les poignés. Allonger le pas. Et les yeux plissés de soleil ne regarder que devant soi pour se sentir grandir dans le silence de la ville que la journée finissante a déjà longuement possédée.

Il paraît que de cette pièce on ne peut sortir, qu’elle est semblable à tous ces endroits que l’on aperçoit au dernier étage des immeubles, que l’on regarde d’en bas et que les enfants n’ayant plus que faire de la longue ficelle dorée avec laquelle ils jouaient, nous montrent du doigt. Et si c’était ici que l’histoire s’arrête. On referme les vieux pianos et on rêve, on rêve que ce n’est plus le poids des mots, des questions sans sujets, des pierres de l’héritage paternel (et fraternel) que l’on porte sur les bras mais bien le petit enfant dont le hasard nous a confié la garde et auquel on raconte l’histoire pour lui faire oublier l’envie de dévaler les escaliers. Il paraît que dans cette pièce, là haut, il est un homme qui nettoie de grandes vitrines fumées par le vécu de ceux qui y furent invités. Il paraît que derrière les miroirs et le verre reposent de petites pierres sur lesquels la flamme d’une bougie inscrit le destin de chacun, mais que sur cette flamme la parole est un souffle ravageur, sauvage qui dévore les récits qu’elle détient…
Plus rien.

Elle aurait pu passer son chemin mais, ma dame, s’installe à nouveau à l’ombre des nuques qui frissonnent et des plateaux sur lesquels les verres tonnent. Royale, elle tourne la tête d’un bout à l’autre de la terrasse et de son ombre longue sur le soleil du soir, puis elle pose en défi son regard sur le silence magistral des projecteurs qui bourdonnent encore dans le cœur de celle qui vous parle. Chaleur, nuit, puis plus rien. Les cages d’escaliers où ne persiste que le souffle interrompu des portes ayant longtemps baillé avant de claquer. Un orage se prépare.

Prise dans la glace, dans la lourdeur de l’air, dans la pénombre d’un vent en avance sur l’été. La nuit. Je marche, un pas après l'autre sur ma pensée, sur ma pensée que je laisse la, à nue, dans les fissures des trottoirs, sur la brûlure des mots creux et de leur grands gestes dont je me suis délestée. (Toujours ça de pris sur l’arrogance de Saint Germain, de la rue de Rennes ; leur grâce rendue grise par la banalité de ce qu’on vient y chercher la journée). Dans le reflet d’une vitrine, une petite ampoule grésille. Je la regarde au loin, elle me touche le bras, à peine, mais comme si la timidité de son geste était assez forte pour emporter mon corps entier dans une étreinte innommée. Peser ses mots, c’est être seul. Et c’est la nuit qui grésille sur l’équilibre de notre silence, notre conversation rendue à la justice de la rue, à la lumière de la roche usée, des goudrons secs et des odeurs qui battent en retraite à mesure que l’on approche. Lever les yeux au ciel et croire que sa fixité nous provoque. Un éclair. Serrer le point sur l’espoir de trouver le point culminant de notre parcours, le chemin ou son détour, avant d’apercevoir (et recevoir) le vide dans nos mains. Ombre blanche sur le regard qui acquiesce, gestes irraisonnés vers celui qui interroge, calme sur celui qui fuit mes paroles. Je ne peux lui rendre son geste car Ma dame a trois visages. Chacun leur tour, ils me sourient, me tiennent au défi de leur livrer l’histoire que la pluie raconte aux vitrines, à nos paumes et à nos pierres. Se (re)tenir dans les coulisses du soir, une silhouette stupéfaite, un corps obnubilé par quelques idées fixes et ne voir en elles rien d’autre que le sentiment d’un éternel recommencement, de la profonde satisfaction de contrer les mêmes courants, de dessiner les mêmes contours et s’entêter devant les mêmes carrefours ; ne voir en elles que la certitude volatile d’avoir changé.

jeudi 26 avril 2007

à l'ombre


…à l’heure où au ciel qui brûle, contente et qui par sa beauté nous rend muet, il n’est d’autre alternative que l’ombre et son reflet : la parole profonde de qui reste seul dans l’écho d’une journée qui n’en fini pas de recommencer. Pensive et sombre. A l’ombre.

Comment dire autrement. Primo Levi a passé le printemps de sa vie dans l’hiver des camps, à compter, à calibrer, à peser les pierres que le chimiste qu’il était connaissaient par cœur. Compter pour ne pas comprendre quand vient la marche, quand vient la musique qui tord les sens et la raison, les pas qui ne font que fouiller la boue pour y noyer les âmes. Agrippé à nulle autre réalité que celle de la roche, ainsi, il s’est sauvé. Pas une fois Primo Levi n’a écrit la peur. Et c’est pour cette unique raison que, démentie, ignorée, oubliée ou tout simplement crue sa parole est toujours juste:

« (…) le succès et l’échec, tuer la baleine blanche ou fracasser le bateau ; nous ne devons pas nous rendre à la matière incompréhensible, nous ne devons pas rester assis. Nous sommes ici pour cela, pour nous tromper ou nous corriger, pour encaisser les coups et les rendre. Il ne faut jamais se sentir désarmés : la nature est immense et complexe mais elle n’est pas imperméable à l’intelligence ; il faut tourner autour d’elle, la piquer, la sonder, chercher un passage ou s’en frayer un. »

Le système périodique, Nickel.

***

Cette pièce est faite de telle sorte que d’où que l’on arrive, où que l’on passe, les quelques pas pourtant mesurés que l’on fait nous amènent toujours à prendre la place de celle venu nous parler, nous amènent à nous tromper. La lumière est douce, elle replie les genoux sous sa robe blanche. La quiétude palit son visage. Dans l’entrebaillement de la fenêtre un petit froid, un qui vous court dans les mains, vous retourne la tête et balaie la voix que l’on est venu entendre. Un sourire et son visage s’éprouve, derrière la plénitude et la lumière, une ombre lunaire, un regard vieilli. Et puis s’entendre dire des vérités, à moitié assoupie ; couchée sur la jutte, appuyée sur cette hanche que le tissu nous fait gratter jusqu’aux os. Pas de trêve, des sursauts de conscience qui me tombent des yeux, me roulent dans le ventre et une fois à terre plus rien, plus rien qu’elle qui me fixe de son œil aérien. Elle plante sa voix dans mes espoirs, et du geste de l’Ange m’indique que mes horizons ne mènent nulle part.

mercredi 25 avril 2007

Jardin Royal



Des jardins suspendus à portée de terre, des sabots affolés qui tonnent comme s’inclinent les cornes de chevaux lachés vers l’horizon et le souvenir qu’un jour j’ai écrit "l’ennui ne ment pas" voilà quelques unes des images aux altitudes à plats qui me courrent dans la tête, dans la tête et ne s’arrêtent pas. L’ennui ne ment pas.

lundi 23 avril 2007

Panorama 9 - Nord


Mon compagnon me dit qu’il est des villes dont les routes nous aspirent et tendent vers un centre que nous n’atteindrons jamais. Il me dit qu’il est d’autres villes qui n’en ont jamais fini de nous faire tourner dans leur ventre. Puis il s’arrête et jette un regard vers le ciel qui s’allonge sur les antennes électriques d’immeubles qui ne cessent de nous humer, de tâter nos va-et-vients à décoller la poussière de ceux qui avant nous sont venus, sont passés. Je décèle alors un large sourire sur son visage cramponné au flux de l’horizon vertical. La musique commence. Un homme en tailleur au pied d’un tambourin à la face duquel il se balance, dessinant à chaque coup de poignet la flamme haletante que sa silhouette offre au regardeur égaré. Il chante.
Ecoute donc un peu le récit de l’errant bienheureux, de celui qui peut poser même en plein été, la brume sur les pavés. La Maison de mon rêve. Celle où un jour nous entasserons des cartons de lettres pour détrôner ceux qui face à l’homme flamme, à la danse du serpent ne répandent que de petites pensées. Je rêve que je marche comme l'homme encore fou des parcours à l’envers des panneaux, à buter dans les roches et le feu…pendant que d’un œil, mon compagnon passe du rouge au vert, sur la danse des lumières, des passants et des courants d’airs. Nous marchons dans les pas d’un autre, craignant les sirènes cachées à l’ombre des fenêtres et des miroirs éthylées. Un tramway passe et dessine les airs que respire la forêt, grésille sur la voix de cette femme qui recouvre ses jambes d’un voile prourpre et blanc…je rêve que je marche dans cette maison, à l’ombre des branches décharnées sur la pluie des bourgeons, je rêve que je marche vers d'autres horizons.

mardi 17 avril 2007

Vert-ige

L’envie de tomber à la renverse, entre soi et le dossier de la chaise des journées passées à penser ne garder que le murmure lacif du bois qui se tort, dandine et craque (une autre brêche dans le temps). S’étendre sur la moquette, sur la patine des nuits pleinent des étés que l’on rêve puis étendre les bras parmi les pétales, tendre la gorge à l’ombre d’un bouquet qui déborde à dévorer son vase. Dormir sur des troncs d’arbres retournés dans le sable…mais rien à faire, la chaleur sur la nuit qui lutte dans nos paupières, rien à faire contre l’œil qui fixe droit devant un pistille incandescent.

dimanche 15 avril 2007

Panorama 8 - Etats d'âmes




Un moment d’hésitation comme on ouvre un brêche dans le temps, dans la clarté d’un jour aveuglant, et dans tous les battements de petites mains qui tournent les pages. Je m’étais arrêtée d’écrire. La rue à pic, à l’amorce de mon pas, à l’aveugle.
Elle aurait pu passer son chemin, elle aurait pu ne pas prendre place à l’ombre qu’une journée dorée par l’attente tranquille avait dessinée (trois accolades sur le pavé). Je ne sais plus, je n’ai pas compris. Elle a pris à revers mes détours favoris puis s’est mise à raconter, posant entre chaque mot la moue de la fillette qui lui court encore dans la tête. L’enfance, c’est passer son temps à courrir dans les maisons, à se cacher derrière les portes et pouffer au creux des mains qui aujourd’hui, face à moi, se replient parfois, masquent ces regards qui vous tiennent au défi de raconter votre propre histoire.
Poser le premier mot à l’endroit des premières fois ? S’enorgueillir d’une parole qui serait juste sous prétexte de mots qui sortent aussi vite qu’ils sonnent ? Hors cadre. Sourd. Le ciel passe sur une nuque qui frissonne. Le verre vibre sur le vent en lutte contre les pages de mon carnet à grimaces. Alors ? Le premier mot sur l’épaule de celui qui nous a montré, une fois, la passerelle passant au dessus des forêts ? Le premier mot sur le cœur, dans ces poings qui n’en peuvent plus de serrer ? Des bribes, des éclats sans nom sur l’hésitation de ma voix. L’horizon se couvre des vestiges de jours passés dans le revers de la lumière, sur le pas d’une porte que l’on craint de voir s’ouvrir sur la barbarie de l’époque. A notre tour désormais ne plus prendre les années, les détours, l’âge et les passages abandonnés pour un compte à rebours. Marcher, suivre la cadence des horloges retournées et puis se mettre à croire que la fin du jour est un Retour.
Je l’écoute me raconter.
Je me creuse la vue dans la tête et de là, je maquille les principes d’un « autrefois » qui ne se souvient pas de moi, ses manières et ses manies futiles. J’ouvre mon carnet, soulève mon verre, le reflets de foules qui ne cessent de passer, le défilé des masques muets. Je feuillette puis je referme. Du cristal dans les mains, et me voilà riche de l’or des rêveurs ! Tant qu’elle me parle, je rempli son verre pour apaiser ma soif. Tant qu’elle me parle, j’entrouve les horizons, je surprends la silhouette sanguine des marcheurs de l’est. Je déblaie un peu plus loin devant eux les parcours accidentés qu’en retour ils imposent à mon silence rageur, mais docile. Sans oser lui dire, je l’appelle, ma dame, ma dame parmi toutes celles qui, ce jour-là, celui d’après, celui que je n’ose pas chiffrer, tiennent la marche sur l’espoir railleur des jours précédants. Mais que croyez-vous ? je ne suis pas sans ignorer l’illusion. Et puis enfin, voilà que j’en fini désormais du beau parcours qu’ont balisés mes hochements de tête. Son verre, impassible : ni la joue blanche de l’eau dans un bulbe clair, de flaques qui s’évaporent, ni la lie fatiguées des liqueurs que le soleil à trop chauffées. Juste le reflet de la vitrine, des rues sapées par toutes ces femmes qui ne portent qu’un nom, ne m’interrogent que d’un seul visage, celui de la vieille mère, de la compagne, celle dont la face d’ombre détient tous mes secrets, celle qui à l’envers du temps, à l’envers des récits bien faits annone mes petites phrases et mes petites pensées.

dimanche 8 avril 2007

Panorama 7 - Plein chant (écho)

Revenir sur ses pas, se retourner sur un vacarme de silhouettes, d’ombres complexes et apprêtées. Je suis sortie tôt pour prendre à nouveau le détour par la route du soleil qui se lève à peine - plein feu sur les parcours enfouis-. Et là, face aux portes que l’heure étincelante fait grincer, j'allonge les bras avant...avant de franchir le seuil puis je tâte doucement, d’un geste inconscient ; ainsi jusqu’à ce que d’une main blanche je serre le coin de mon vêtement chauffé par l’attente, le soleil, le vent et la marche sage des communiants ; un costume. La ville calme, les voix courrent. Ce matin, ils ont ouvert en grand la porte de l’Eglise pour que n’en finisse jamais le chemin dessiné par les pas de ceux qui parlent bas.

Prise de cours, je regarde, j'affole les horizons, là-bas, d’un côté puis de l’autre, par là. Je bute sur la mine inclinée de qui ne m’a pas encore aperçue....puis je souffle. Ils chantent. Ils se pressent sans bouger et, lèvent de temps en temps - absurde – le regard vers l’écran. Un monde (et peut-être l’ombre portée de ton monde) entre ce qu’ils lisent et ce que j’entends. Alors je fais un pas au devant, là où chacun mesure l’espace qui lui faudra pour s’agenouiller, poser la main sur ce sol que les hommes convoitent du regard, du sourire, du visage ivre ou invincible et que les femmes, avec leurs jupes, étendent derrière elles. Mon ombre et le soleil sur leurs nuques imprécises. Extase immobile.
Les statues n’ont pas de visage. Et je sais qu’elles miment à s’y méprendre les signes qu’un peu plus à l’Est les mêmes âmes caves et claires dessinent sur le ciel paisible. De quel côté du dôme cette lumière tombe en pluie sur l’ardeur d’une matînée qui s’enfuit? Deux heures peut-être, depuis le réveil. Ils se lèvent se signent et s’inclinent. Puis à nouveau l’écran et son regard pesant. Moi, qui tombe sur leur voix ou, eux, peut-être, qui reculent toujours plus près de moi. Tous, alors, de leurs yeux sourds, ils t’imaginent. Ils te voient et tu les écoutes me Parler encore une fois dans cette langue que je ne connais pas.

Peut-être l’attente était-elle vaine ? Mais comme je le dessine et le vois, là devant moi qui vrille, je profite de leur chant pour faire entendre ce songe vorace, sourd, blanc :
Dans la chambre du soldat, je marche sur la coque encore dure des tiroirs que j’ai renversés. Je trie parmi les petites futilités cherchant à sauver des débris de ce qu’il reste de nos trois vies - Rappelle-toi ta villel’été, l’hiver et puis l’automne où ne restait plus que le bruit des voies ferrées-

Désormais, devant l'écran, entre le monde et ce qu’ils lisent, un enfant, les petits doigts pointés haut, plantés bas qui scrutent le dôme et le bois. Il lève les épaules contre moi. La masse bouge et la première lettre de chaque phrase déserte le chant. Il est encore tellement jeune. Pas de visage, mais un chiffre sur sa nuque, un chiffre sur lequel ma vue se brise – le fantôme de la ville, de ta rue, de ta fuite fragile et de ton lit défait – trois fois 0 et un 8 dans tous les sens retourné. Un chiffre unique par lequel je te conte. Et contre toutes les voix blanches sur le son des cloches, ne subsiste que ce signe, mutique et presque rageur. Une date anonyme encore, mais qui partage avec moi le territoire d’un « heureux hasard » ; la date anniversaire d’un évènement qui m’attend là, au dehors, pendant que cette tempête docile et discrète balade les évènements qui se ressentent et mentent, qui déblaient nos énergies fidèles et fossiles. Trois signes chiffrant L’union scélée sur ton manque.
Et on retourne aux portes de l’église, pressé par le temps réajusté, le temps serein d’avoir gagné du terrain, d'avoir ramassé les gestes, les lueurs et les visages distants sur un même écran, un même écho, une même image... Cette image me bat aux tempes comme un cœur arraché au refrain qui vient de se terminer. L’union se brise aux portes des églises. Puis l’enfant retourne aux bras de ses parents en même temps qu’il tourne lentement vers moi sa face surgie de l'ombre, mais je pars, la vue trouble, lointaine, contre l’écho, contre ton corps brûlant, jusqu’à ce que la course du soleil dore mon costume encore intact et dessine tout autour de moi l’ombre rêvée de cet anneau que je ne porte toujours pas.

mercredi 4 avril 2007

Après la nuit

Je me réveille tranquille et stupéfaite de voir qu'à côté de moi l'oreiller est toujours en place, prêt à accueillir, comme la veille, une ombre, la mienne. Je me retourne, sourire aux lèvres, je joue. Je joue à celle qui n'a rien vu, je fais semblant et regarde droit dans les yeux la lumière des matins cotonneux. Je joue au jeu des souvenirs qui s'enfuient - comme tes gestes me suivent. Je tâte : compagnie tendre mais inutile, bête et froide, et pourtant docile, qui aurait repoussé sur un corps raidi par le flot de pensées incontrôlables, les bras de la nuit. Longue et lente, la nuit alanguie jusqu'à ... non, la nuit épargnant plutôt l'endroit où mon ombre n'ose plus, où mon ombre n'ose pas prendre ta place. Je m'étend, me prélasse, ferme mon oeil irrésolu et pose ma main délaissée sur les petites habitudes ternies par le va et vient de cette nuit, par la couleur moite et amère du rêve que tu ne saura jamais. Je te sens, je te tais, me lève et te fuit le temps que reste sur l'oreiller encore tiède de cette nuit ressassée, ma mémoire assoupie.