mercredi 20 juin 2007

Rencontre

Il ne s’était pas arrêté de parler, d’assez longues promesses et pensées alanguies pour faire le tour de son doigt raidi. Il ne lui lachait pas la main. Alors il compris que les moments sacrés se résument en trois fois rien : les clous polis et chauffés sur le dossier d’une chaise déplacée, les petites illusions de la spectatrice qui attend que l’on passe la dernière marche de l’escalier, sur le seuil de la porte la stature de deux Géants de santal et de fer blanc qu’il est interdit de toucher, et enfin les petites saveurs de l’enfance qui traînent au bas de leurs jupons sur le pavé mouillé. Ils sont arrivé là, les jeunes mariés, bercés des illusions que celle qui de loin les observe tenait pour convictions. Enfance et rémanence des contes au moment où le héros au bras de sa sœur danse sur la branche qui borde le ravin. Une alliance pour les uns, et pour les autres, les cartes en main. Les rouages métaliques du romantisme et les passions immobiles des pantins trainant les trottoirs, comme quelqu’un qui vous regarde de la fenêtre des maisons vides. Silence, on barvarde et on pense…puis on s’arrête là, au coin de la rue où il la rencontra, au moment où il ne fit qu’un pas comme on ferme derrière soi le cycle de l’enfance que l’on croyait avoir quitté il y a longtemps.

lundi 11 juin 2007

Histoire en cours

Moi Ivan, toi Abraham, Yolande Zauberman (1993)

La pluie sur les fenêtres telle la patine du noir et blanc sur l’écran. Le verre passerelle entre la nuit passée et la journée à peine achevée. Regarder fixement, droit devant comme on ouvre en grand la fenêtre de son appartement.


Lumière jaune et pierre qui fume entre l’eau qui ruisselle et le halo ouateux des enseignes. La vue dans les flaques, la vue qui plonge sur la rue, la rue où c’est le monde qui se noie. Une route qui n’en finit pas, n’en finit pas, n'en finit pas de retarder l’heure de rentrer chez soi. Répendre l’éclat du ciel sur le bitume. Marcher à contre-jour. Payer des couleurs du jour la perte des habitudes. Garder les ombres chaudes de la nuit pour horizon unique et oser lui opposer le noir paisible de quelques pensées reconstituées. Enfin, parler seul, parler fort, s'entendre ailleurs ou ne dire qu’à soi, à la poussière qui file sous nos pas, qu’il s’est écoulé une journée déjà entre l’histoire et la mémoire du siècle que l’on ne connaît plus. Raie de lumière contre les barreaux du lit. Eclair blanc qui brise le sommeil des innocents. Et puis la certitude, la certitude qui cogne au tempe, ride les sourires et vrille les veines de nos poings serrées. Cette certitude que la dernière image de l’écran est juste le signe d’un commencement : Là où certains ont inscrit le deuil de la vieille Europe sur les pierres érodées, au dos des livres retournés et dans la voix de ce qui n’ont pas vu mais vivent de la peur d’oublier, d’autres dessinent les frontières d’un monde changeant à la surface de l'écran.

La pluie sur la patine du noir et blanc. Lumière passée, lumières passerelle, lumière artificielle qui donne envie d’ouvrir les fenêtres en grand et tient pour unique commencement le cadre de l'écran.