dimanche 8 avril 2007

Panorama 7 - Plein chant (écho)

Revenir sur ses pas, se retourner sur un vacarme de silhouettes, d’ombres complexes et apprêtées. Je suis sortie tôt pour prendre à nouveau le détour par la route du soleil qui se lève à peine - plein feu sur les parcours enfouis-. Et là, face aux portes que l’heure étincelante fait grincer, j'allonge les bras avant...avant de franchir le seuil puis je tâte doucement, d’un geste inconscient ; ainsi jusqu’à ce que d’une main blanche je serre le coin de mon vêtement chauffé par l’attente, le soleil, le vent et la marche sage des communiants ; un costume. La ville calme, les voix courrent. Ce matin, ils ont ouvert en grand la porte de l’Eglise pour que n’en finisse jamais le chemin dessiné par les pas de ceux qui parlent bas.

Prise de cours, je regarde, j'affole les horizons, là-bas, d’un côté puis de l’autre, par là. Je bute sur la mine inclinée de qui ne m’a pas encore aperçue....puis je souffle. Ils chantent. Ils se pressent sans bouger et, lèvent de temps en temps - absurde – le regard vers l’écran. Un monde (et peut-être l’ombre portée de ton monde) entre ce qu’ils lisent et ce que j’entends. Alors je fais un pas au devant, là où chacun mesure l’espace qui lui faudra pour s’agenouiller, poser la main sur ce sol que les hommes convoitent du regard, du sourire, du visage ivre ou invincible et que les femmes, avec leurs jupes, étendent derrière elles. Mon ombre et le soleil sur leurs nuques imprécises. Extase immobile.
Les statues n’ont pas de visage. Et je sais qu’elles miment à s’y méprendre les signes qu’un peu plus à l’Est les mêmes âmes caves et claires dessinent sur le ciel paisible. De quel côté du dôme cette lumière tombe en pluie sur l’ardeur d’une matînée qui s’enfuit? Deux heures peut-être, depuis le réveil. Ils se lèvent se signent et s’inclinent. Puis à nouveau l’écran et son regard pesant. Moi, qui tombe sur leur voix ou, eux, peut-être, qui reculent toujours plus près de moi. Tous, alors, de leurs yeux sourds, ils t’imaginent. Ils te voient et tu les écoutes me Parler encore une fois dans cette langue que je ne connais pas.

Peut-être l’attente était-elle vaine ? Mais comme je le dessine et le vois, là devant moi qui vrille, je profite de leur chant pour faire entendre ce songe vorace, sourd, blanc :
Dans la chambre du soldat, je marche sur la coque encore dure des tiroirs que j’ai renversés. Je trie parmi les petites futilités cherchant à sauver des débris de ce qu’il reste de nos trois vies - Rappelle-toi ta villel’été, l’hiver et puis l’automne où ne restait plus que le bruit des voies ferrées-

Désormais, devant l'écran, entre le monde et ce qu’ils lisent, un enfant, les petits doigts pointés haut, plantés bas qui scrutent le dôme et le bois. Il lève les épaules contre moi. La masse bouge et la première lettre de chaque phrase déserte le chant. Il est encore tellement jeune. Pas de visage, mais un chiffre sur sa nuque, un chiffre sur lequel ma vue se brise – le fantôme de la ville, de ta rue, de ta fuite fragile et de ton lit défait – trois fois 0 et un 8 dans tous les sens retourné. Un chiffre unique par lequel je te conte. Et contre toutes les voix blanches sur le son des cloches, ne subsiste que ce signe, mutique et presque rageur. Une date anonyme encore, mais qui partage avec moi le territoire d’un « heureux hasard » ; la date anniversaire d’un évènement qui m’attend là, au dehors, pendant que cette tempête docile et discrète balade les évènements qui se ressentent et mentent, qui déblaient nos énergies fidèles et fossiles. Trois signes chiffrant L’union scélée sur ton manque.
Et on retourne aux portes de l’église, pressé par le temps réajusté, le temps serein d’avoir gagné du terrain, d'avoir ramassé les gestes, les lueurs et les visages distants sur un même écran, un même écho, une même image... Cette image me bat aux tempes comme un cœur arraché au refrain qui vient de se terminer. L’union se brise aux portes des églises. Puis l’enfant retourne aux bras de ses parents en même temps qu’il tourne lentement vers moi sa face surgie de l'ombre, mais je pars, la vue trouble, lointaine, contre l’écho, contre ton corps brûlant, jusqu’à ce que la course du soleil dore mon costume encore intact et dessine tout autour de moi l’ombre rêvée de cet anneau que je ne porte toujours pas.

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