mardi 8 mai 2007

Deux jours trop tard


Place de la Bastille - matin du 8 mai
Grasse matinée. Sommeil profité, consommé, sucé jusqu’à la lie et réveil inéluctable sur le ciel vide. Jour de congé. Avant de sortir du lit vers la longue matinée qui s’allonge sur nos bras, s’étirer et repousser d’un geste qui n’en finit pas l’embarras d’une journée à commémorer - celle qui vrille à l’envers des vitres brisées et des murs burinés au mortier. Sourire à l’oubli des dates, rajouter une louche dans la gamelle du chien dont la docilité - les jours chômés, les jours mérités - nous apparaît sagesse. Sourire de ce juste retour des choses, sourire aux jours apaisés d’un printemps pareil à ceux qui nous éloignent d’année en année de l’automne du siècle, du crépuscule des dieux, de l’arrivée des idôles qui frappent à nos portes. Figé un sourire rance et s’imprégner des horizons suffoqué par la «Victoire du mérite». Sortir de chez soi un 8 mai, sans savoir où aller (ailleurs les fanfares peut-être…). Puis partir, à pied et oublier le sens que la marche, un jour, un temps (il a suffit d’une fois) nous a indiqué. Descendre les boulevards déserts en desserrant la ceinture. Bastille, « tranquille » en espadrille sur l’ombre encore féroce des boucliers qui s’y sont dressés. Les bras ballants, renoncer à chercher la force vive et descendre, encore, en desserrant, en délestant, en décharnant, en jouant le jeu de la confiance, de la conscience tranquille. Perdre la notion du temps. Se voir dans l’histoire comme dans un miroir dont il faudrait hurler le nom : « Maintenant ! ». Sourire de toutes ses dents pour dominer la peur des absents. Dormir encore sur le souffle des heures chaudes que l’on a traînées jusqu’ici, sur le rythme des journées passées. Marcher en travers des rues vides, couper la route aux passants de demain, aux offensés d’hier, et contempler son reflet dans le verre intact de vitrines opaques. Savourer la tranquilité d’un jour à commémorer, sourire au désastre de la vieille et s’enivrer des remous lent du temps qui recule en nous regardant. S’étonner en se disant que nous sommes seulement deux jours trop tard.

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