vendredi 21 septembre 2007

Panorama 21 - Utopia

Silence
– silence et froid, et puis un trou aussi, par ci par -


Le regard qui se perd sur des contours qui n’existent pas.
C’est en voyant les aires vides, en retenant l’histoire dans les coups de vent, dans les interrogations ou peut-être juste dans les sensations, que l’on comprend la souffrance d’une ville - cette ville où pullulent les friches des grands évènements. L’histoire est ici une âme errante dont l’ombre se repose tant aux portes d’un musée qu’à l’entrée d’un McDo…

- ils étaient , on le sent, on le sent à s’y brûler les doigts -

…et c’est parce qu’il n’en reste plus de trace

– L’odeur de l’absence -

… que l’on comprend la patience de cette ville. Aujourd’hui Berlin est une Babel sans tours, sans murs, sans autre chose que la lumière alanguie sur la fenêtre où se reflète l’infini des boulevards – les Modern Things qui défilent jusqu’au bout de la nuit – les édifices qui veillent les parcours des trains de nuit, sommeillent sur la poussière des archives qu’on déterre. Le silence d’une ville à l’heure où la nuit défile…défile et n’en finit jamais…contre les angles gargantuesques de trottoirs au bord des hangards où ne se cogne qu’un regard – espoir qui vous espionne : regarder fixement défiler le temps, le temps qui vernit les moments ouvrant des espaces réservés, des espaces à l’envers du temps, des évènements, des façades rénovés, de l’ennui et des miroirs brisés, des espaces où penser la beauté.

Des moments où l’on comprend simplement que Berlin n’est qu’Utopie.

- Utopia, je prends un détour, Europa j’ai tâté tes contours qui me mènent droit au Panorama où…

…chasser la mélancolie du jour là où la nuit tenace s’amuse à polir le temps, à jouer hors les mûrs la monotonie des horloges sur laquelle on plit et déplit son lit. L’instant ne connaît pas de jour, ne connaît pas de temps. Il est un rythme, tout simplement, un rythme à nu, têtu, uniquement vêtu du souffle suant de tous ceux qui tentent de le suivre en dansant…le suivre en fuyant l’idée du retard sur la nuit comme un don qui nous sera repris. Alors on ne cesse pas, on prie, on prie sans foi, sans voix, avec rien d’autre que la certitude viscérale que quelqu’un d’autre danse sur le toit (que l’on ne voit pas de là) - on prie, on prie la chaleur intérieur du béton prêt à céder sous nos membres exsangues alors que le jour s’y heurte de toute ses forces, on prie à l’heure où d’autres son protégés par le sommeil, on prie les visages soumis aux exigences de corps qui ne pensent plus, qui dansent et dissuadent le soleil précoce de faire sonner ses horloges. On prie et on espère que brille encore un peu leurs paupières de verre, leurs regards accrochés à la chaleur d’un néon où grille ce qu’il leur reste d’énergie. Il y en a un, soudain, qui ouvre une mangue fraîche où viennent se ruer les traces de lipstick pendant que l’Aube, enfin, nous offrent ses déesses frénétiques, leurs gestes arachnéïques venus atiser le regard de ceux qui ont tout donné. Aveugles à l’heure où malgré la clarté du dernier dimanche d’été, persiste un coin d’ombre à l’envers du soleil, de sa ronde et du jeu de la volonté, un envers de cette vie qui en a marre de son cycle, un envers fait d’envie et d’excès - amnésique et anonyme Temple qui déborde de son ombre, un centre du monde que l’on nomme utopie et qui se tient là, devant moi – panorama à deux pas de l'absence de cette époque là

Chaque soir, Berlin reprend son rythme au milieu de nulle part, comme on perd la mémoire, accrochée à la jeunesse de celui qui a oublié son histoire. Chaque soir, Berlin scande son mythe à l’angle de tous les trottoirs où je me suis arrêtée pour écouter…

…l’eau brûlante sur l’émaille ébréché, l’enseigne du magasin vide qui grésille sur le seuil de la nuit, l’odeur assourdissante des usines abandonnées, le silence sacré des rues bondées, les journaux de la veilles chiffonnés par le vent, le froid qui s’agrippent au devant des vitrines, la course des travailleurs du lundi sur les heures de sommeil manqués…et dans le bruit de la vie, le bruit de ma ville résonne encore cette musique qui s’accapare toutes mes nuits :

Utopie

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