samedi 4 août 2007

Panorama 14 - Premiers instants


Le temps c’est la lumière qui tourne sur les bancs d’un grand parc dont tout le monde a pris congé et qui à l’horizon du dôme de la rue O… s’éteint, doucement. L’été se compte, l’été se tâte en souvenirs dont on a fait table rase (les doigts repassant les engelures du bois). Des souvenirs en suspend sur les reflets naissants de boulevards béants. La folie d’une ville où l’imagination s’est épuisée. La folie d’une ville qui déborde encore des rêves qu’on lui a cédé. La furie d’une ville dont les frontières suivent le galop de celui qui erre. Le temps, c’est cette histoire qu’il me raconte (l’homme fenêtre dans le cadre de ses trop grandes lunettes), le bel héritage qu’il est venu chercher le long des lignes courbes de pages que je n’écrirais peut-être jamais, le mythe de celui qui toutes les nuits ouvrait à la course du dernier cavalier le pont levis de ce chateau que nos itinéraires ont oubliés. En son fort, le carrosse ne se métamorpose plus désormais, mais disparaît. Dans un petit coin de verre – verre poli sur la sagesse des arbres qui s’y regardent - le regard du conteur, unique et vertical, rendu à cette lumière qui berce son silence royal, partout, tout autour. Je n’ai pas peur. Le temps, c’est aussi savoir se taire au bon moment.
Nous voilà donc disponibles ! rendus à ces actes dont la nécessité passe, passe avec le vent. A mains nues. Mais nous voilà également ouverts à la vision imparable de cette silhouette, ombre qui se creuse au fond du jardin, immobile, soliloque étouffé de l’homme figé par la voix de son époque, d'une époque qui hurle et lutte contre le souffle des monuments absents. S’en est fini des gestes guidés par la précision d’une pensée qui ne fait que se fuir, remuant ciel et terre. Nous détournons les yeux, imposant alors un silence fait de chair et de sang. Eteindre les cadres d’or et de vide où l’Aufklärerich fait vivre sa famille. Je l’écoute me raconter qu’une fois sa course achevée, le cavalier venait se reposer au pied d’un arbre déraciné. J’écoute l’histoire transmise, l’histoire nourrie du silence de celui qui y croit – celui qui se tait – celui qui s’y voit. Et la nuit imminente qui semble lutter contre le feu des ces journées montées trop vite, les jours sages et impatients auxquels participe le mythe. Jetzt, Berlin, premiers instants

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