samedi 31 mars 2007

Panorama 6 - Impasse


Cette nuit là, je n’ai pas attendu que s’éteigne la dernière pluie pour fermer le livre, oublier les ratures de beaux récits qui s’ennuient, et partir, laissant sur les bureaux déserts du labeur d’avant la nuit, une porte grande ouverte.

Les pas au devant de la petite pluie fine, sur le seuil du château - comme ils disent-, le souffle sans encombre, j’ai compté les élans réprimés. Noir, nuit, néons auréolés. Le temps de poser quelques pas sur la nuit tombée puis…Là. Patiente, ferme et fébrile, la clé pesant de tout son poid sur le creux de ma main, l’ombre paralyséé sur le désordre de l’appartement. Là, à temps, discrète, soucieuse et voleuse de sorts, de chants, de rires jetés en vrac à la surface de l’écran dont je me suis détournée pour t’entendre murmurer, pour t’entendre lutter contre le jour, lutter contre l’ennemi, contre le voyage accompli. Derrière la petite porte par laquelle on ne sort pas, quelqu'un me répète que non, ce n’est pas ta voix.
Chez moi.
Noir, nuit, néons et date butoir. Tiroirs que l’on ferme à double tour sur les gestes stupéfaits. Ironie. Tâter la langue rapeuse de tout ceux qui se sont dérobés. Goûter la froideur langoureuse d’un trop tard, puis, simplement, prendre son temps, en ramener jusqu’à soit la chaleur traîtresse, la moiteur, la paresse…

D’abord, j’ai noué d’une main libre le petit ruban de feutre au creux de mes reins dessinant la belle boucle que l’on ourle une fois pour toute. Sur ma cuisse tendue vers un geste dont je ne me souviendrais plus, j’ai hissé un voile d’ombre et de soie blanche. Puis, j’ai cerné mes yeux du pourpre profond de nos nuits d’été ; souriante, dans le coin d’un miroir que j’avais brisé – je répète, écoute moi - brisé de mes mains alors fortes de ne t’avoir pas connu. Et éblouie, atone, glacée, j’ai recommencé, saluant l’habitude de chacun de mes gestes par le silence unique et profond dont cette nuit là, tu m'as hornée. Souviens toi.

Réveil contre les voix éclatées dans les infinies facettes de verres où se reflètent encore une fois, encore une nuit, nos faces fébriles. Ils rient vers l'infini. Puis, je me réveille et bute à nouveau sur ta voix, ta voix à la place de la porte. Quelqu'un me répète que non, ce n'est pas toi. L’écho d’abord puis le blanc comme une main ingénue, sa main enfin, comme en plein rêve, sa main sur ma peau ; sa main sur la page. Doucement. Je l’écoute. Elle. Parle moi encore une foi de cette langue que je ne connais pas. Elle, déesse de ta Terre, les cheveux tressés retraçant les frontière de mon pays, de ta patrie. Elle, maintenant, le geste furieux à me prendre la gorge, à m'arracher la voix sur ces moignons amorphes qui nous servent de mémoire. Alors, j'ai tourné les talons à renverser les trottoirs. J'ai fuis, marché, marché bête et folle, sans apercevoir les empreintes je j’avais laissé sur ce chemin, celui - pourtant - des « premières fois ». A nouveau, j’ai compté, posé mes pas sur l’échos hurlant de tes pensées qui ne se disent mais s’écrivent, j'ai carressé la silhouette chiffonnées de tes aveux de papiers. Oui, j’ai marché sur le silence d’après la fête, d’après l’attente, j’ai marché sur la face trouble et décharnée des trottoirs fatigués. Puis, d’un revers de main, j’ai relevé mon jupon, l’ai débarrassé de la petite pluie des grandes occasions. Car cette nuit là, Mon amour, je me suis fait belle pour ces innombrables jours où tu ne seras pas là.

mercredi 28 mars 2007

Aller-Retour

...trois jours que je cours les routes et compte les rails, des roues dans la tête et les idées clouées à la cime des arbres déplumés.
Pleins phares sur le ciel voilé, pleine nuit en plein jour. J'ai les objectifs décentrés.
Mais après tout, c'est toujours ça de gagné sur les pas mesurés, sur les panneaux qui nous grignotent le bout des pieds.
Impossible de s'arrêter.
Je tire le fil de mes idées sur la langueur des trottoirs, sur les voies où ne règne que l'ombre de vos temps d'arrêt. Je vais sans me soucier sur des voies, vides comme la Lune est ... sanguine
...trois jours. Et je roule, et je cours au rythme de mes obsessions volatiles.
Pleins phares et légèreté, c'est toujours ça de gagné sur le silence de la page blanche...
Paix.

lundi 26 mars 2007

Conversation-2




Quelques mots nous attendent encore ici, rieurs et ridés des folies devant lesquels l'instant conscent à s'incliner. Que reste-t-il du pouvoir que chaque soir une autre absence nous contraint d'exercer ? Appeler, pour ne jamais répondre, mais s'accrocher à la force fébrile d'une note que l'on nomme Unisson. Posons nos points fatigués sur le creux de la nuit et calmement, attendons. Attendons que se rallume le bel écran de mot fuyants. Main froide sur la ville. Le balcon qui décompte les aspérités du vent, le calme derrière les fenêtres, le calme de la paume alanguie contre le verre espion, la rage amie de celui qui nous contemple, de celui qui ment, de celui qui ne voit derrière nos appels que la face informe de l'horizon. De l'autre côté de la rue, surprendre les pas d'une danseuse éperdue ; toujours assez folle pour tendre son visage à la vue des rayons d'un soleil prisonnier des sentiers battus. Mais toujours nos poings sur le creux de la nuit, sur le calme du ciel, sur l'illusion, sous le mur du son. Le corp battu, rincé, irradié par nos gestes sourds Mon amour.

vendredi 23 mars 2007

Hasard




"Je porte en mon coeur


Comme un coffre que l'on ne peut ouvrir


Tous les lieux où je me suis trouvé


Tous les ports où je suis arrivé,


Tous les paysages que j'ai vu à travers les fenêtres ou les hublots,


...


Et tout cela déjà tellement grand, est bien peu comparé à mon désir."


Fernando Pessoa


Quelques mots extraits de la lettre d'un grand ami vivant assez loin d'ici. Un message fortuit. Et pourtant...




Conversation




"Tous, ils le font exprès. Ils nous guettent, nous taquinent et nous mentent. Ils nous ont rattrapé. Je crois qu’ils se cachent et les regarde qui s’entortillent dans le fil du téléphone, dans le revers de ma main froide sur le mot que tu viens de figer. Je te demande de répéter, tu ne réponds pas. Le reflet qui se tord à la surface de l’écran, l’écran qui nous regarde, acqueux, fade et bleu, l’écran devenu vieux parce qu’il noie son vide dans nos yeux stupéfaits. C’est eux ! Tu ne me crois pas. Des équilibristes sur le fil de l’ampoule qui vibre, croit brûler mais grille. Eux, maintenant, sur le fil de ta voix que je n’entend plus, que je n’entend pas. C’est qu’ils se prennent pour l’aube, dressée sur les lieux que l’on souhaite à demi mot, nous, hésitant à rompre leur marche lisse, leur marche lente, leur marche de morts, par le possible d’un ici, d’un ens… ensevelis ! Je n’entend plus, je n’entend pas, je répète qu’au fond de ta voix, lointaine comme sont vieilles les raisons de nos gestes, persistent les détours et les petits pas de voyages qui n’en finissent pas.
Ils avancent, te tiennent la main, m’occupent l’esprit, à gauche dans la rue des trois K.
Ils sont là, charrient derrière eux leurs noms lancinants et pompeux ; déclinant en 5 lettres leur langue éteinte dans la bouche de celui qui n’avait pas encore pensé le jour de leur naissance ; posant sur ta rue, sur ta ville, sur mon rêve, leur ombre mobile à la place de la nuit, limpide. Je ne sais plus. Je maudis le jeux de leurs échos. Je refuse de les prendre au mot. Avouer que le temps traîne à leur pied parmi tous les objets qu’ils nous ont volé. Et qu’ils ne gardent que les quelques lettres de leur face improbable !"
Ce soir, mon amour, je ne dors plus. J’écoute frapper à ta porte, je fixe l’ombre de ma main levée sur les murs dissimulés de la maison miroir et je parle. Je parle à nos silences d’opale, à nos rages d’hiver, je parle, pour ne plus oublier ces voyages qui n’en finiront jamais.

mardi 20 mars 2007

de Prêche et de Fureur




Ils étaient dix, ils étaient cent, ils étaient là.

D'abord renoncer à comprendre le geste et le visage de ceux qui ont usurpé nos sens ce soir là. Avouer enfin que nous y consentions. Tous, le souffle court, la parole par dessus les épaules, contre le feu de la nuit tombée - sonore - puis,...

Monter ces chevaux domptés par la corne qu'ils lèvent seulement lorsque, nous, gardons les yeux fermés. Les paupières lourdes sous les sabots en furie. Et c'est ainsi que l'on compte, que l'on compte les petites mains, levées vers des ciels de ferrailles et de lumières brûlées, les ciels multiples, des ciels déguingandés. Garder les yeux fermés. Désarçonner. Lune, laiton et néons déversants la parole sacrée. Ruer à l'envers des lois qui font que le sol tient encore sous nos pas. Hurler. Hurler aussi vite que l'on écrit et suivre au grand galop la parole qui mobilise les 10 échos. Jeter l'ancre dans les reflets éclectiques de leur Black Mirror. Tenir la marche et garder assez de force pour que résonne encore dans nos paumes le souvenir naissant de ces Ocean of Noise. Mais qui tient encore la cadence? Wake Up et Avance! Marcher aussi vite que l'on écrit les voix liquides et les cris inAaaaccomplis. N'attendre qu'une chose: que le Livre s'ouvre, que l'Ecriture des écritures rue à nouveau sur la glose inutile des hommes assis.
Et seulement alors, dire à ceux qui nous ont vu, "Que la nuit n'oublie jamais ceux qui sont passé sous les Arcades de Feu".


dimanche 18 mars 2007

Dormir comme un Ange


Un rêve ce n'est rien. Rien d'autre que les relans d'une idée fixe et volatile, obligée de se drapper de reflets violets pour passer la fenêtre de notre chambre, voleuse et avide qu'elle est d'y dérober un peu de cet a-temps que la nuit réserve à nos sens. Perte de connaissance, temps gagné sur la journée à rêvasser des limites de sa réalité, méprise, oubli du monde, des êtres, des lieux, des objets que la "magie" du rêve nous force à prendre par la racine. Dire aujourd'hui que le rêve est étrange, troublant, révélateur et incantatoire reviendrait à arranguer la parole de Galillée à l'époque des hommes sur la lune et des femmes in-vitro-fécondées. Le rêve de chacun ne trahit rien d'autre que la situation de tous, et a finalement - malheureusement - si peu d'importance...

Pourtant, aujourd'hui, je me lève, m'étire, vérifie qu'à ma fenêtre ne cogne rien d'autre que la lumière molle d'un dimanche midi, me lève une nouvelle fois et songe -pour de vrai cette fois- au rêve que je viens de chasser. Contempler sans limites les plis d'un lit défaits.

Chez moi, le chez moi d'il y a trois ans. Mon appartement, pourtant éclairé avec l'avarice des sols trop bas dans les villes trop hautes, mes photos un peu sourdes, mes voiles un peu las, mon piano sur de sa voix et tout ce qui aujourd'hui signifie pour moi les années muettes mais satisfaites du crépuscule de l'enfance. Nostalgie.

J'étais donc chez moi, à deux pas d'y arriver en tout cas, longeant le couloir trop étroit aux boîtes au lettres trops larges sur lesquels souvent je m'étais griffée, peu importe. Dans les rêves seuls les pressentiments sont vrais. Je revenais d'un long voyage, énième déclinaison de mon Est, mon amant, ma ville miroir et son nom en trois K...évidemment. Et au bout de ce couloir ce n'était pas la joie de me retrouver chez moi, ni même l'inquiètude mêlée de triste impatience de déplier bagage, qui devaient m'accueillir mais bien un pressentiment qui se trainait à mes pieds sous la forme stoïque, imparable d'une traînée de lumière sur le pas de ma porte qu'en partant j'avais tout simplement...oublié de fermer. Pleins phares, carnage, tapis retourné, fenêtres béantes dégeulants des nuits de beuveries anonymes, frigo encombré de "tout à jeter" et les touches de mon piano arrachées. Drame, larmes, et points serrés mon amant à mes côtés. Autrement, j'aurais dit que l'on m'avait volée, mais puisqu'il s'agissait d'un rêve, je dirais plutôt que l'on m'avais usurpée.

Une voisine - pour le coup faisant totalement partie de la petite fiction que tissait ici ma nuit - témoignait: une jeune fille avait vécu, fêté, baisé, salopé et même sappé la voix à 100 cordes de mon autre bien-aimé. Une jeune fille "au regard électrique" m'avait remplacée. Mais en même temps n'étais-je pas là, avec mes valises, mon amant, le souvenir lointain qu'un jour j'avais vécu dans cet appartement contre la réalité encore toute proche de décors vus en voyages et étrangers - ceux-là relevant bel et bien de ce que j'appelle le rêve réel- ... Comme j'avais ouvert la porte à l'impatience de mon amant venu me "découvrir" chez moi, n'avais-je pas invité les usurpateurs à s'introduire et à vivre dans les marques que, le faisant presque exprès, je leur avais laissé. Oui, j'ai provoqué l'usurpation de mon identité en décidant de partir, de voyager, de fuir puisque dans les rêves il est impossible de mourir ; et qu'on ne me force pas raconter ici l'épisode de la chute qui n'en finit pas que chacun à un jour vécu au fond des draps.

Les draps, justement, de même que le "hasard" de l'heure nous arrache au rêve, il faut une bonne raison de s'en extirper. Ce matin, après mon insignifiante petite fiction, un film. Un film où celui qui joua bien souvent les fous, les désaxés, les beaux et intouchables à se damner, voyage et fuit. David (Jack Nicholson) Locke fuit à travers l'europe, à travers les maisons de Gaudi, les places de l'Andalousie faites de vides, de sueurs mélangées et de poussière devenus les Temples qu'érige Antonioni. Mon rêve m'a guidé jusqu'au regard de l'autre Michelange. Pourquoi David Locke fuit? Que fuit-t-il? Aussi bête à dire qu'impossible à filmer: David Locke se fuit et devient le clandestin de sa propre vie. Il est celui qui, sur une route bouffant des arbres à n'en plus finir sous les roues de sa décapotable, dit à la jeune fille -l'accompagnant d'une adorable et incroyablement cinématographique naïveté- de regarder vers l'horizon qui s'éloigne lorsque celle-ci lui demande justement pourquoi il fuit. David fuit ce qu'il a accomplit, la destinée brillante et sans écart d'un grand reporter d'un observateur faiseur d'images et de mots qui trahissent la réalité lisse et afutée. Comment? En usurpant l'identité d'un traficant d'arme. Un homme qui, lui, touche à des choses concrètes, quand David ne tâte que la réalité fragile des mots et images. Ainsi, cet homme ne connait pas la peur, n'a jamais gouté la grande précarité de la vie mais surtout, cet homme ressemble à s'y méprendre à David Locke, au seul détail près qu'il est un peu plus gros, un peu plus empétré dans la matière des choses. Et le jour où, par un de ces hasards qui n'existe pas, Dieu lui a tendu les bras en le laissant mourrir paisiblement dans ses draps, David prend sa place, usurpe son identité, et sans savoir où il va décide de poursuivre sur la route inconnue de cet autre Moi.


Mais la route ne change pas, vue à l'endroit ou à l'envers du vent qui bat à la décoller de la terre, cette route ne change pas. David n'échappe pas, il détourne, il usurpe, il se déguise et ment pour vivre, pour mieux affronter et peut-être pour ne pas se tromper. Puis il s'arrête enfin, sa décapotable ivre de poussière et de soleils qui suffoquent derrière les kilomètres. David s'allonge sur le lit d'une chambre d'hôtel, dans la position du mort qu'il a usurpé, prêt à dormir du long sommeil des satisfaits comme on commence un beau rêve, un véritable rêve qui celui-là n'en finira jamais.

Je me réveille dans les draps de l'habitude, dans le décor que j'ai construit et souhaité - oui, avec toute mon âme, oui, échaffaudé. On ne rêve que de ce qu'on a déjà vécu. J'ai rêvé de ce que j'ai vécu et c'est sûrement de là que vient cette nostalgie qui m'encombrait au levé.

"Petite fiction sans fond vas-tu me laisser en paix?!"

Une question alors, comme celle que nous force à poser la fuite de David Locke, le reporter, l'homme du vrai et du danger. Qui, dans mon histoire, a été réellement usurpé? De l'identité de qui, la violation d'un lieu qui ne m'appartient plus depuis longtemps, s'est-elle jouée? Dans ce rêve, les bras de l'amant me rassuraient, comme le regard de la jeune fille porté vers l'horizon qui s'éloigne, évitait à David de répondre de sa fuite....

Un blanc, un silence, un temps à re-conter, une réponse qui ne nous sera pas donnée tant que des draps nous ne sommes pas extirpés ; tant que les yeux ne sont pas fixés sur le récit de la journée stoppé par les gestes de la veille.

Ici, j'ouvre les yeux encore une fois, sur ce film qui me permet d'entendre encore la parole de cette voisine qui avait vu aller et venir dans mon appartement, la jeune fille au regard électrique...

jeudi 15 mars 2007

Panorama 5 - Mise au point


J'emploierais ici la langue que des êtres pourtant proches - et aimés - me reprochent de négliger. J'aimerais d'abord commencer par leur dire que c'est bien de cette langue que je cherche à m'affranchir. Je m'y soumettrais pourtant un moment, ici afin de leur montrer en vertu de quoi et comment je tente d'y parvenir.
La remarque de ces êtres chers me rappelle un petit texte que - dans le ventre d'un avion déjà haut perché - j'avais, sans bien m'en rendre compte, laché sur le papier. La fin d'un voyage marquait alors mon "retour vers cette langue que je ne connaîtrais jamais, justice rendue à celle que je ne négligerais plus désormais". J'ai depuis un peu oublié le sens, la voix de ce texte pour ne garder que l'aile de la machine qui m'escortait et m'indiquait l'heure sur le ciel plombé qui me ramenait à Paris... Je sais seulement que ce texte était une promesse. Celle de "ne pas", de "ne plus", et autres formules bêtes mais qui aident à bouger, à se lever de son siège, à rompre le sommeil de midi pour tout simplement écrire.
Vais-je oser quitter mes hauteurs? Celles de mon voyage bel et bien terminé comme celles de la langue qui m'investie, qui m'encombre et que je tente pourtant de m'approprier - celle-là même que certains n'arrivent pas à pénètrer (qu'ils ne laissent pas faire et goûtent aux offensives qui peuvent sauver!) ? Oserais-je, naïve, feindre l'ignorance de tout pour poser la question interdite...?
La question de l'écriture est d'avantage affaire de "comment" que de "pourquoi". La question de l'écriture est celle que posent les enfants lorsqu'ils étaient enfants de Peter Handke qui les voyait pour de vrai confondre l'espace et le temps. Je l'avoue comme une faute qui en serait ainsi à moitié pardonnée ; j'avoue, juvénile, confondre consciemment le "voir", le "dire", le "montré", le "raconté", le "vécu" et l"oublié". J'avoue, naïve, avoir choisi de déposer mon ombre plutôt que de décliner en lettres droites et en temps chiffré mon identité...Et de là provient l'hésitation, la réticence que certains ont à me voir pour bel et bien ne pas me reconnaître. Et c'est ainsi qu'ici, à travers l'écrit, le flou, le non-dit et le contre-dit je souhaite raconter et reprendre un peu de ce texte où je faisais la promesse de répéter le geste ; de chaque jour rejouer la ronde de l'écrit qui se montre bien plus qu'il ne se lit ; cet écrit que d'autres - ayant eu d'avantage une vie de désir que de pratique de celui-ci - nommèrent épiphanie...
S'il est un chose que je consens à exprimer in-tel-li-gi-ble-ment et avec toute la raison - qui souvent, ici, me fuit - c'est le refus de l'écriture qui résout, de l'écriture qui répond et se soumet au système binaire et scolaire de la question. Je refuse l'écriture qui ne serait que l'écho de gestes accomplis, la défroque des êtres aimés ou haïs. Je refuse l'écriture qui comble et qui suit pour choisir de chercher le lieu bien réel où elle se cache, s'enclave, se grime ; d'où elle s'élève et nous happe, lieu sacré qu'elle n'a certainement jamais quitté. Tout simplement, par une idée naïve et un terme que certains voudraient sûrement plus laïque, je refuse que le mot comme la vue soient soumis à l'espoir aveugle qu'il est des sciences exactes et des pratiques précises et limitées.
Que me pardonnent ceux que j'aurais pu offenser. Ecrire c'est avant tout se souvenir d'une promesse que l'on a un jour adressé à l'ordre du monde à l'heure où, le regard saillant, l'on était pourtant encore bien incapable de parler.

mercredi 14 mars 2007

Panorama 4 - Echo



S'entendre alors que résonne encore cet ordre innommable, enterré dans les sagesses du passé, cet ordre qui contre l'Histoire devrait servir de point de départ au récit qu'il faudra bien un jour commencer.
L'histoire alors commence dans la ville où tout cela c'est passé. La ville où une place, un espace - un passage - est désormais réservé à une page que nul ne pourra tourner. Cette place porte le nom des morts qui n'ont pas eu droit à la terre et errent, butant contre notre parole à nous tous qui en faisons les "héros du ghetto". Les fantômes n'ont pas droit à la terre, à la pierre, comme les héros n'ont pas droit au pays. Les déportés s'oublient encore un peu plus chaque fois qu'un étranger, un passant, un innoncent se love dans l'espoir d'un relan de culture juive nimbant les rues de Cracovie, ville où les hommes se lèvent et se signent:

( Que le petit homme que l'on appelait Primo Levi, me pardonne l'emprunt que je fais ici à sa petite histoire qui porte à jamais en elle les mille voix)

La voie libre de la nuit, voilà, tout simplement ce qu'on entend ici, ce soir, à Paris ; à l'approche du printemps, à l'approche des mois où les soirées s'alanguissent sur des jours qui n'en finissent pas.
S'entendre à l'heure où la belle saison s'est un jour défigurée sur l'attente de ceux qui la savait vaine. S'entendre. S'entendre et comprendre pourquoi la vieille ville grimant son passé au bon vouloir des visiteurs sans bagages, pourquoi cette ville me tient (so close to Home)? Pourquoi elle me retient dans son Histoire si mal racontée, à peine aperçue, à peine entendue ... Entendre alors que tout s'arrête à l'abri de kilomètres de gueules muettes qui remplacent les fenêtres baillant leur petite vérité entre la rue K et la place des héros du ghetto.

A l'heure où l'on se couche, le récit commence et l'ordre innommable, derrière le sommeil, lance l'incessant













mardi 13 mars 2007

Trouver sa voix...




...mais comment faire pour ne pas tout ramener à soi? Poser la paume sur cette terre là.

La terre que l'on connaissait bien, que l'on brassait ou buriner parfois, la terre que certains appeleront sur notre parole desséchée la fin d'une ère... au coeur de tout ça, que du fossile, que du volatile. Et je n'en veux pas.


Bon sang, faire simple. Et faire tout simplement que sur le fil tendu à perte de vue, les espaces vastes et laches - gardés par l'ombre des fautes à moitié pardonnées - ces espaces que sont les "passades" deviennent des passages, passages entre les lignes de nos mains blanchies.


Merci lili.

lundi 12 mars 2007

Trouble




Sur ce trouble supposé bouleverser mes sens et dont devrait précisemment tenter de se saisir le dessin de l'écriture, je mens.


J'ai la silhouette gracile mais la main noircie. Je danse à pas de loup sur la pleine page blanche, je mens.
Attendre que viennent à soi les moyens faits de gestes que la pensée agite comme des pantins, et qu'elle berce sous les trois lumières de la première matinée. Aube aura aube aura, l'heure des oraisons... et du trouble qui cogne au bout des doigts, comme la peau vide d'une calebasse à nouveau vivante, rampante et venue se clouer juste sous nos pieds. Mais, là-bas, déjà, la roue s'est arrêtée devant les grands jardins qui dans leur solitude rendent grâce aux néons rivaux que peine à chasser le soleil. Et la roue, la roue gentille qui balade les heureux de la saison, leurs bras jetés vers le sommet, mollement offerts au ciel glacé.


Et bien cette roue mime la position du menteur.


Sa belle aura ne se regarde que d'en bas. Du haut des nacelles, il est interdit de se retourner, de regarder par dessus bord, par dessus l'épaule afin de ne pas voir qu'à la gorge des lampadaires et bien loin du sol, bien loin de la terre, certains, pendant que les autres applaudissent, battent au rythme de la musique qui fige les petites mains froides qui se frottent et s'agitent pour rien.

dimanche 11 mars 2007

Visions nocturnes

Horodateurs, jets d'eau et de ciel, le vol bas des avions sur la Seine. La nuit nous berce parce qu'elle prive de sommeil les machines. C'est ainsi que l'on interromp le passage du temps et c'est alors le moment d'entrer dans Paris et ses petites cinématographies:

"...elle s'était finalement résolue à attendre, à céder au voyage poussif, aux rouages fatigués de cette cabine de verre qui devait la conduire au sommet. Là, elle le retrouverait, les points sur les hanches, le regard fixé vers le bas, figé sur la chute qu'il ne craindait jamais. Elle s'imagine, sans savoir que tous déjà, et nous y compris, la regardent, détaillent chacun de ses gestes, le vas et vient de la main sur le faux-pli de la robe, la boucle insistante d'une mêche qui vient avec sa douce anarchie narguer un nouveau geste, le premier pas d'une nouvelle danse qui a commencé en bas. Elle est belle. Tous l'attendent, le regard patient et stoïque de celui qui contemple un beau bois. Et l'homme à l'attitude de pierre ne cesse de se demander qui, de la femme et de la machine qui accordent ici leur voix sur le chant du métal patient, a-t-il finalement créé..."

Images de verre, de marbre, de poussière et de gestes qui suent pour dire l'amour. Entre sexe et architecture, le cinéma...

Gary Copper et Patricia Neal dans la séquence finale de "The Fountainhead" de King Vidor - 1949.

samedi 10 mars 2007

Certains diront...

... que cette route est longue, qu'il faut l'éviter, la prendre à rebours, ou même l'oublier (je suis de "ceux-là" parfois...). J'attend et m'incline simplement devant l'évidence : Que chaque pas me serve d'introduction. Je quitte ma chambre pour traverser le chantier, pour regarder encore l'envers de mes mains qui recouvre l'éclat du miroir brisé. Je garde sur le poignet à peine assez de place pour y poser le profil et nouer en serrant les dents le petit bracelet qui m'a était donné. Et enfin prendre ce qu'il appèleront "la fuite en avant". Je ne dessere pas les dents et feins sans avoir à le dire - sans avoir à trahir - de me trouver là pour la première fois, à l'étage des planches renversées sur un dôme fait de petites aspérités. Derrière, il y a ta porte, et contre celle-ci ton empreinte, et à l'ombre de celle-ci encore, ta lettre et ses trois K.
Voilà la silhouette timide d'une parole que l'on force à se mettre à nu, à coup d'écarts, à coups de guidon et de temps perdu. C'est ici qu'elle commence et qu'elle se serre déjà tout contre son but vissé dans la chair mais encore si froid. Elle reprendra ici quand à chaque nouvelle fois correspondra un pas qui nous éloigne pour nous conduire, à penser sans le dire que ce n'est pas une sortie que l'on trouvera là.

vendredi 9 mars 2007

Panorama 3 - La chambre du soldat

D'abord contre chaque mur et au reflet des fenêtres, les images qui vous tournent (pour le moment) le dos (soyez patients) et vous laissent piétiner le bruit de leurs cadres brisés. Ne vous retournez pas sur le seuil de la porte, là où persiste l'ombre de l'arme refermée sur la main de celui qui écoute. Dans la chambre du soldat ne reste qu'une lettre.
Attendre stoïque que le temps la décolle, que les gestes que l'on refourgue dans le cageot branlant des espoirs fatigués, ivres d'un long voyage tâchent de convaincre la mémoire. Et quand l'heure vient, aux coins des rues que l'on boude pour le sommeil de paille des travailleurs zélés, on brasse la terre. On soulève les pavés, la course des charettes folles et fragiles, on courre, des mottes dans les manches et les pas dans les petites mains qui se perdent pour tout bonnement donner un nom à cette rue. Une rue que l'on chiffre uniquement par le reflet des fenêtres, des petites vies muettes, que l'on compte seulement par les 5 mots d'une devinette. Et sans même s'en rendre compte, là où nous guident les premières fois, stopper le pas devant le cadre d'une porte qui s'ouvre sur le geste à défier le temps de quatres petites feuilles de papiers, tombées de la chambre du soldat sur la pierre encore chaude et anonyme de la rue ..K..

jeudi 8 mars 2007

What was send to the Soldier's Wife?

What was send to the Soldier's Wife?

des matînées de chiffons sur lesquelles le premier pied tendu tire toute la journée derrière lui, une toile faite d'idées fixes. Drôle tout de même qu'elles déplient leur petite musique qui s'arrête ou commence la page blanche. C'est un masque qu'il faudrait à la Femme du Soldat qui balise chacun de ses pas comme on défait sa valise. Un peu par ci, un peu par là et raccrocher les brides des sacs et les lacets derrière la petite porte de l'armoire vide.

mercredi 7 mars 2007

Panorama 2 - Plein chant

Retour à K. en trois mots.
Le prix à payer pour les vestiges d'un jour? Quelques pas dans la terre qu'autrefois on posait sur les cendres que certains nomment. Hier.
Les visages ne feront qu'un tour, portés vers ta voix murée. Les traces d'une marche que l'on ne compte qu'une fois. Là, les enfants n'iront plus. Là, ne reste que les briques, le bois et la chaîne lache dont on ne s'approche pas.
Le prestige du jour où tu m'enmèneras chez toi, à l'aurée d'un bois où les stèles ne s'appellent pas.

S'arracher à l'Est, partir et tendre les bras. La ville hurle.
Ce jour là, ils ont fermé la porte de l'Eglise, pour signifier à tous que l'attente n'était pas vaine. Les enfants bavardent dans les rangs puis stoppent la marche, en place derrière la voix de celle qui leur indique d'un geste souple et lent que le feu brille. Sur le dosssier des chaises, les paumes se sont retournée au rythme d'une marée pendue au nez d'un petit bâton de bois clair. L'orgue était absent et chacun, tous, repassaient le visage des statues, réchauffaient de leur souffle patient les vieux linges branlants. Sur un siège, une marche, ou creusant de petites passerelles entre la cire glaciale et l'encens, ils brûlaient d'un enviable silence que ni de loin, ni de près il n'était possible d'observer.
Ils ont construit un dôme de plastique, qui grondent sous les balcons et que l'on entend aux heures où les rues se vident. Maintenant, la rue fait danser ses trois billes qui dévallent jusqu'aux portes des Eglises. Et à s'y méprendre, le mynian était là, comme une seul et même flamme. L'obscurité lui couvre les reins. Toujours la même. Alors on s'installe dans le siège de velours et on attend qu'arrive le moment où l'on pourra tout simplement répéter le geste. Puis la petite rampe s'incline, les voix s'éteignent et les chaînes balancent puis repreinent. Tous se lèvent, se signent, se rasseoient. A peine le temps d'être là. Attendre, une seule et même nuit, toujours là même, refuser de dormir au risque que quelque type de rêves efface l'envie d'étendre sa joue sur la face ronde des pierres que, désormais, l'on fixe de loin. Ne garder qu'un ciel de coton sur la route profonde, à l'heure où les genoux se posent et là où les frontières se creusent.

mardi 6 mars 2007

Panorama 1 - Contre la confidence

Présentez-vous, faites ce que vous voulez de moi. La route est longue pour contourner les évidences. Accepter le fait que je refuse, cette fois, de lui donner le nom que tout le monde sait...

Tout doit commencer par un refus ou pire, par une nécessité. Aujourd'hui ils se font écho. Alors, l'impératif sera d'abord de refuser de raconter une de ces histoires qu'on lit de travers, pour tenter de reconstituer celle que l'on tracerait en commun. Un personnage, c'est toujours par là qu'il faut commencer. "Il", ne s'appelle pas. "Il" se reconnait, s'oublie, nous trompe ou se méprend, mais "Il" ne s'appelle pas. Pourquoi? Parce qu'il bouge, il circule, et cette fois-là ne se trouvait pas où on espérait qu'il soit ; en tout cas pas où nous autres, des bagages défaits pleins les bras, des chiffons sous les pieds, regardons le soleil se lever comme des voleurs naïfs et éclairés. Béats, n'espérer que cela et attendre que les long bras d'opale alongent leur immense tristesse sur la ville qui vient à peine de se réveiller.
Il est justement cette Place où l'on circule librement entre des arbres qui en toute saison comptent l'attente de la foule ou les intentions des passants ; cette Place où l'on contemple les caprices des "dernières matinées". En face, un hotel menace de s'écrouler mais impose désespéremment ses flancs d'inox et de béton alors qu'il sera bientôt englouti par une poignée de sable. Les histoires commencent toujours dans une de ces chambres aux draps blancs, ou beiges ou violets, peu importe du moment qu'au dos de la porte se trouve un chiffre doré. Et sur cette place, face à ces pierres parodie de marbre et d'éternité, un jour que l'on ne compte pas, lui et les autres ont tu l'adieu au pays. L'adieu au père qui fait briller l'espoir de celles qui n'ont pu y assister. Sur cette place, un peu plus à l'Est, une de ces années où l'Europe contemplait son âge avec des yeux "neufs", tous on regarder le soleil s'éteindre sur Krakow et lentement glisser les vitres d'un bus pressé par les impatients et leurs ternes petites nécessités.

Ecouter, donc, celui qui refuse de faire un pas à l'Est, de passer les frontières qu'elle, trace sur les cartes du bout des doigts. Se rappeler de cette langue que l'on ne connaîtra jamais pour rendre justice à l'Autre que l'on ne plus désormais négliger et se souvenir que ce qu'on a oublié là-bas s'impose aujourd'hui comme la simple nécessité d'écrire.