jeudi 31 mai 2007

Panorama 11 - Visions

Wer reitet so spät durch Nacht und Wind ?
Goethe, Erlkönig


La route qui dégivre les conversations vaines et apathiques sur les vitres des airs de repos, Far, Far, Far Wen (fer)sehe ich ? pleins phares chaque fois que je parle à mon voisin qui marche sur mon pas et ne me comprend pas, des ponts sur l’envers du soleil courant vers des rives inatteignables, bordées de pancartes où vibre encore le reflet de la nuit passée, Tourne, Tourne, Tourne le cœur de la Turm dans les nuages épais, tourmentée, Kosmos en lettres de lumières sur le pavé de la Karl-Marx Allee, ne garder que ta nuque comme l’horizon unique d’une route interminable, la marche déguingandée des anges, arracher aux tilleuils leurs feuilles que l’ont agite par-dessus l’épaule pour effrayer le vent, découvrir des tombes sous les lys, les pensées et les bosquets, des voix lointaines et des discutions sirotées à la sève des audaces imparfaites et satisfaites, puis l’orage, un refrain millimétré, la catastrophe chronique qui rassure les désespérés, le lendemain, une roue crevée sur un éclat de verre, souvenirs, revenir sur ses pas, s’arrêter aux portes des écoles désertes, dévier encore une fois sa route pour contourner les plaines, garder ses questions en tête, se réveiller encore dans la chaleur des draps qui ne nous appartiennent pas, vivre de l’impression de n’appartenir qu’à soi, te tomber dans les bras, s’accrocher à des rêves que l’on refera encore une fois, partir, murmurer « ne te retourne pas » dans toutes les langues que l’on ne connaît pas, la Turm dans le ciel qui se couvre, le parfum du sable et la froideur du marbre sur les trottoirs de la Karl-Marx Allee, rentrer pour repartir, les pensées gratte-papier, gravir les montagnes invisibles sur des kilomètres de rivages plats, écrire son nom avec deux L, HimmelWeg, vague, voix, puis départ, un peu plus loin, là-bas…

Ich reite allein.

lundi 21 mai 2007

Mythique


Permettez-moi de prendre congé pour un moment du temps qui passe et de mes rêvent qui se déplacent...(je laisse trainer le nom de La Ville dans ma bouche encore docile.)

samedi 12 mai 2007

Mu(t)ique

Attendre que les ombres s’allongent sur nos paupières closes. Attendre d’être seul et silencieux, à la surface du feu. Ignorant, seul, innocent. Puis commencer à écrire seulement. La paume contre le blanc, les doigts pris dans les fibres du papier, l’encre dans la voix. Mutique…
…Musique. Trois pas en avant sur leurs silhouettes déguingandées par la fin du jour. Certains jouent à se battre contre l’attente des autres, contre des visages que la lumière dévore sans affres, sans traces, et sans détour - et l’impatience qui se charge du reste. Rêver que notre marche nous mène par-dessus bord. Et grisé par les regards anecdotiques, les retrouvailles d’un soir sur les adieux de la semaine passée, sur l’insignifiance radieuse des lieux, continuer d’avancer. Nous voilà tous sur ce bateau qui fixe sa ligne molle à la surface des flots – immobilefull-moon - contre les néons blêmes et le reflet des trottoirs de la ville abandonnée par l’observation des oublieux d’un soir, prêts à danser alors que déjà l’orage soulève les vagues.
L’attente, enfin - qui a défaut d’avoir un but a au moins une fin - découvre les visages, lisses, fermés et pourtant curieux de ceux qui passent et viennent, les mêmes, muets. Et puis il y a ce couple qui rôde, arrivés les derniers et n’ayant même pas défait leur veste qu’à grands coups de flash déjà il rabottent le plancher de ceux qui se cachent pour danser. Je suis les suiveurs qui vous épient dans les fumées, dans la paresse, dans la sueur qui supplie le verre des fenêtres, dans le silence des horizons et de la parole blanchie par les pensées trop amples. Danser pour prendre le temps de ne pas penser, effacer la trace de tous ceux qui nous ont devancés, précédés, doublés et puis parfois aussi s’amuser à compter, à compter avec le silence des petits bâtons tracés sur le papier…
…Un deux trois jours plus tôt, déchirer l’enveloppe en trois morceaux, le temps d’attendre que la musique sonne, le temps d’attendre et de comprendre que je suis ici l’immobile que j’étais là-bas face au retour de ta voix.

mardi 8 mai 2007

Deux jours trop tard


Place de la Bastille - matin du 8 mai
Grasse matinée. Sommeil profité, consommé, sucé jusqu’à la lie et réveil inéluctable sur le ciel vide. Jour de congé. Avant de sortir du lit vers la longue matinée qui s’allonge sur nos bras, s’étirer et repousser d’un geste qui n’en finit pas l’embarras d’une journée à commémorer - celle qui vrille à l’envers des vitres brisées et des murs burinés au mortier. Sourire à l’oubli des dates, rajouter une louche dans la gamelle du chien dont la docilité - les jours chômés, les jours mérités - nous apparaît sagesse. Sourire de ce juste retour des choses, sourire aux jours apaisés d’un printemps pareil à ceux qui nous éloignent d’année en année de l’automne du siècle, du crépuscule des dieux, de l’arrivée des idôles qui frappent à nos portes. Figé un sourire rance et s’imprégner des horizons suffoqué par la «Victoire du mérite». Sortir de chez soi un 8 mai, sans savoir où aller (ailleurs les fanfares peut-être…). Puis partir, à pied et oublier le sens que la marche, un jour, un temps (il a suffit d’une fois) nous a indiqué. Descendre les boulevards déserts en desserrant la ceinture. Bastille, « tranquille » en espadrille sur l’ombre encore féroce des boucliers qui s’y sont dressés. Les bras ballants, renoncer à chercher la force vive et descendre, encore, en desserrant, en délestant, en décharnant, en jouant le jeu de la confiance, de la conscience tranquille. Perdre la notion du temps. Se voir dans l’histoire comme dans un miroir dont il faudrait hurler le nom : « Maintenant ! ». Sourire de toutes ses dents pour dominer la peur des absents. Dormir encore sur le souffle des heures chaudes que l’on a traînées jusqu’ici, sur le rythme des journées passées. Marcher en travers des rues vides, couper la route aux passants de demain, aux offensés d’hier, et contempler son reflet dans le verre intact de vitrines opaques. Savourer la tranquilité d’un jour à commémorer, sourire au désastre de la vieille et s’enivrer des remous lent du temps qui recule en nous regardant. S’étonner en se disant que nous sommes seulement deux jours trop tard.

dimanche 6 mai 2007

Le désir des immobiles -



Nous avions attendu. Une femme est passé, a posé son vélo pour se délivrer d’un sourire offert à tous ceux qui voulaient bien la regarder pour sourire en retour, à l’annonce de son mariage prochain. Sur les toile cirées, le vent d’un printemps déjà sec en avance sur l’été. Baisser le store, poser encore et dans un nombre toujours plus important même les verres, à pieds, teintés, retournés que l’heure et son climat exigent. Pause.
Nous attendions dans l’ombre charmante de nos habitudes, là où même le visage des passants nous est familier, là où l’on croit connaître ce qui reste innommé, là où les déjà-vus, déjà-dits réveillent justement notre curiosité. Nous attendions dans un monde complet, paisible, satisfait et que l’ignorance du reste rendait invincible. C’est alors qu’il s’est assis, lui. Il a posé sur notre table un chapeau sombre et rigide qui le faisait mentir sur sa véritable taille. Il s’est serré dans sa veste déjà petite, menu et presque invisible au manège à grimaces et à grands gestes des habitués ; le crâne nu, à ciel ouvert sur ses histoires de plaines, de goulags, de Kamtchatka et de neiges qui n’en finissent pas … L’étranger, tout petit, s’est arrêté pour nous raconter le périple des exilés, de ceux qui ne sont jamais mariés. Voyage ironique qui réjouit, qui enivre, qui hante et nous fait rêver les chaises retournées sur les tables de l’accoutumance.

mardi 1 mai 2007

Métamorphose


Hissées sur des talons, la pointe des pieds gonflée par l’orgueil qui porte au loin le regard, contre la lumière brûlante. De face, la silhouette haletante, je crois que je marche, je rêve que j’avance et ne fait que l’écouter, elle, parler, tout en me tortillant les poignés. Allonger le pas. Et les yeux plissés de soleil ne regarder que devant soi pour se sentir grandir dans le silence de la ville que la journée finissante a déjà longuement possédée.

Il paraît que de cette pièce on ne peut sortir, qu’elle est semblable à tous ces endroits que l’on aperçoit au dernier étage des immeubles, que l’on regarde d’en bas et que les enfants n’ayant plus que faire de la longue ficelle dorée avec laquelle ils jouaient, nous montrent du doigt. Et si c’était ici que l’histoire s’arrête. On referme les vieux pianos et on rêve, on rêve que ce n’est plus le poids des mots, des questions sans sujets, des pierres de l’héritage paternel (et fraternel) que l’on porte sur les bras mais bien le petit enfant dont le hasard nous a confié la garde et auquel on raconte l’histoire pour lui faire oublier l’envie de dévaler les escaliers. Il paraît que dans cette pièce, là haut, il est un homme qui nettoie de grandes vitrines fumées par le vécu de ceux qui y furent invités. Il paraît que derrière les miroirs et le verre reposent de petites pierres sur lesquels la flamme d’une bougie inscrit le destin de chacun, mais que sur cette flamme la parole est un souffle ravageur, sauvage qui dévore les récits qu’elle détient…
Plus rien.

Elle aurait pu passer son chemin mais, ma dame, s’installe à nouveau à l’ombre des nuques qui frissonnent et des plateaux sur lesquels les verres tonnent. Royale, elle tourne la tête d’un bout à l’autre de la terrasse et de son ombre longue sur le soleil du soir, puis elle pose en défi son regard sur le silence magistral des projecteurs qui bourdonnent encore dans le cœur de celle qui vous parle. Chaleur, nuit, puis plus rien. Les cages d’escaliers où ne persiste que le souffle interrompu des portes ayant longtemps baillé avant de claquer. Un orage se prépare.

Prise dans la glace, dans la lourdeur de l’air, dans la pénombre d’un vent en avance sur l’été. La nuit. Je marche, un pas après l'autre sur ma pensée, sur ma pensée que je laisse la, à nue, dans les fissures des trottoirs, sur la brûlure des mots creux et de leur grands gestes dont je me suis délestée. (Toujours ça de pris sur l’arrogance de Saint Germain, de la rue de Rennes ; leur grâce rendue grise par la banalité de ce qu’on vient y chercher la journée). Dans le reflet d’une vitrine, une petite ampoule grésille. Je la regarde au loin, elle me touche le bras, à peine, mais comme si la timidité de son geste était assez forte pour emporter mon corps entier dans une étreinte innommée. Peser ses mots, c’est être seul. Et c’est la nuit qui grésille sur l’équilibre de notre silence, notre conversation rendue à la justice de la rue, à la lumière de la roche usée, des goudrons secs et des odeurs qui battent en retraite à mesure que l’on approche. Lever les yeux au ciel et croire que sa fixité nous provoque. Un éclair. Serrer le point sur l’espoir de trouver le point culminant de notre parcours, le chemin ou son détour, avant d’apercevoir (et recevoir) le vide dans nos mains. Ombre blanche sur le regard qui acquiesce, gestes irraisonnés vers celui qui interroge, calme sur celui qui fuit mes paroles. Je ne peux lui rendre son geste car Ma dame a trois visages. Chacun leur tour, ils me sourient, me tiennent au défi de leur livrer l’histoire que la pluie raconte aux vitrines, à nos paumes et à nos pierres. Se (re)tenir dans les coulisses du soir, une silhouette stupéfaite, un corps obnubilé par quelques idées fixes et ne voir en elles rien d’autre que le sentiment d’un éternel recommencement, de la profonde satisfaction de contrer les mêmes courants, de dessiner les mêmes contours et s’entêter devant les mêmes carrefours ; ne voir en elles que la certitude volatile d’avoir changé.