samedi 31 mars 2007

Panorama 6 - Impasse


Cette nuit là, je n’ai pas attendu que s’éteigne la dernière pluie pour fermer le livre, oublier les ratures de beaux récits qui s’ennuient, et partir, laissant sur les bureaux déserts du labeur d’avant la nuit, une porte grande ouverte.

Les pas au devant de la petite pluie fine, sur le seuil du château - comme ils disent-, le souffle sans encombre, j’ai compté les élans réprimés. Noir, nuit, néons auréolés. Le temps de poser quelques pas sur la nuit tombée puis…Là. Patiente, ferme et fébrile, la clé pesant de tout son poid sur le creux de ma main, l’ombre paralyséé sur le désordre de l’appartement. Là, à temps, discrète, soucieuse et voleuse de sorts, de chants, de rires jetés en vrac à la surface de l’écran dont je me suis détournée pour t’entendre murmurer, pour t’entendre lutter contre le jour, lutter contre l’ennemi, contre le voyage accompli. Derrière la petite porte par laquelle on ne sort pas, quelqu'un me répète que non, ce n’est pas ta voix.
Chez moi.
Noir, nuit, néons et date butoir. Tiroirs que l’on ferme à double tour sur les gestes stupéfaits. Ironie. Tâter la langue rapeuse de tout ceux qui se sont dérobés. Goûter la froideur langoureuse d’un trop tard, puis, simplement, prendre son temps, en ramener jusqu’à soit la chaleur traîtresse, la moiteur, la paresse…

D’abord, j’ai noué d’une main libre le petit ruban de feutre au creux de mes reins dessinant la belle boucle que l’on ourle une fois pour toute. Sur ma cuisse tendue vers un geste dont je ne me souviendrais plus, j’ai hissé un voile d’ombre et de soie blanche. Puis, j’ai cerné mes yeux du pourpre profond de nos nuits d’été ; souriante, dans le coin d’un miroir que j’avais brisé – je répète, écoute moi - brisé de mes mains alors fortes de ne t’avoir pas connu. Et éblouie, atone, glacée, j’ai recommencé, saluant l’habitude de chacun de mes gestes par le silence unique et profond dont cette nuit là, tu m'as hornée. Souviens toi.

Réveil contre les voix éclatées dans les infinies facettes de verres où se reflètent encore une fois, encore une nuit, nos faces fébriles. Ils rient vers l'infini. Puis, je me réveille et bute à nouveau sur ta voix, ta voix à la place de la porte. Quelqu'un me répète que non, ce n'est pas toi. L’écho d’abord puis le blanc comme une main ingénue, sa main enfin, comme en plein rêve, sa main sur ma peau ; sa main sur la page. Doucement. Je l’écoute. Elle. Parle moi encore une foi de cette langue que je ne connais pas. Elle, déesse de ta Terre, les cheveux tressés retraçant les frontière de mon pays, de ta patrie. Elle, maintenant, le geste furieux à me prendre la gorge, à m'arracher la voix sur ces moignons amorphes qui nous servent de mémoire. Alors, j'ai tourné les talons à renverser les trottoirs. J'ai fuis, marché, marché bête et folle, sans apercevoir les empreintes je j’avais laissé sur ce chemin, celui - pourtant - des « premières fois ». A nouveau, j’ai compté, posé mes pas sur l’échos hurlant de tes pensées qui ne se disent mais s’écrivent, j'ai carressé la silhouette chiffonnées de tes aveux de papiers. Oui, j’ai marché sur le silence d’après la fête, d’après l’attente, j’ai marché sur la face trouble et décharnée des trottoirs fatigués. Puis, d’un revers de main, j’ai relevé mon jupon, l’ai débarrassé de la petite pluie des grandes occasions. Car cette nuit là, Mon amour, je me suis fait belle pour ces innombrables jours où tu ne seras pas là.

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