jeudi 15 mars 2007

Panorama 5 - Mise au point


J'emploierais ici la langue que des êtres pourtant proches - et aimés - me reprochent de négliger. J'aimerais d'abord commencer par leur dire que c'est bien de cette langue que je cherche à m'affranchir. Je m'y soumettrais pourtant un moment, ici afin de leur montrer en vertu de quoi et comment je tente d'y parvenir.
La remarque de ces êtres chers me rappelle un petit texte que - dans le ventre d'un avion déjà haut perché - j'avais, sans bien m'en rendre compte, laché sur le papier. La fin d'un voyage marquait alors mon "retour vers cette langue que je ne connaîtrais jamais, justice rendue à celle que je ne négligerais plus désormais". J'ai depuis un peu oublié le sens, la voix de ce texte pour ne garder que l'aile de la machine qui m'escortait et m'indiquait l'heure sur le ciel plombé qui me ramenait à Paris... Je sais seulement que ce texte était une promesse. Celle de "ne pas", de "ne plus", et autres formules bêtes mais qui aident à bouger, à se lever de son siège, à rompre le sommeil de midi pour tout simplement écrire.
Vais-je oser quitter mes hauteurs? Celles de mon voyage bel et bien terminé comme celles de la langue qui m'investie, qui m'encombre et que je tente pourtant de m'approprier - celle-là même que certains n'arrivent pas à pénètrer (qu'ils ne laissent pas faire et goûtent aux offensives qui peuvent sauver!) ? Oserais-je, naïve, feindre l'ignorance de tout pour poser la question interdite...?
La question de l'écriture est d'avantage affaire de "comment" que de "pourquoi". La question de l'écriture est celle que posent les enfants lorsqu'ils étaient enfants de Peter Handke qui les voyait pour de vrai confondre l'espace et le temps. Je l'avoue comme une faute qui en serait ainsi à moitié pardonnée ; j'avoue, juvénile, confondre consciemment le "voir", le "dire", le "montré", le "raconté", le "vécu" et l"oublié". J'avoue, naïve, avoir choisi de déposer mon ombre plutôt que de décliner en lettres droites et en temps chiffré mon identité...Et de là provient l'hésitation, la réticence que certains ont à me voir pour bel et bien ne pas me reconnaître. Et c'est ainsi qu'ici, à travers l'écrit, le flou, le non-dit et le contre-dit je souhaite raconter et reprendre un peu de ce texte où je faisais la promesse de répéter le geste ; de chaque jour rejouer la ronde de l'écrit qui se montre bien plus qu'il ne se lit ; cet écrit que d'autres - ayant eu d'avantage une vie de désir que de pratique de celui-ci - nommèrent épiphanie...
S'il est un chose que je consens à exprimer in-tel-li-gi-ble-ment et avec toute la raison - qui souvent, ici, me fuit - c'est le refus de l'écriture qui résout, de l'écriture qui répond et se soumet au système binaire et scolaire de la question. Je refuse l'écriture qui ne serait que l'écho de gestes accomplis, la défroque des êtres aimés ou haïs. Je refuse l'écriture qui comble et qui suit pour choisir de chercher le lieu bien réel où elle se cache, s'enclave, se grime ; d'où elle s'élève et nous happe, lieu sacré qu'elle n'a certainement jamais quitté. Tout simplement, par une idée naïve et un terme que certains voudraient sûrement plus laïque, je refuse que le mot comme la vue soient soumis à l'espoir aveugle qu'il est des sciences exactes et des pratiques précises et limitées.
Que me pardonnent ceux que j'aurais pu offenser. Ecrire c'est avant tout se souvenir d'une promesse que l'on a un jour adressé à l'ordre du monde à l'heure où, le regard saillant, l'on était pourtant encore bien incapable de parler.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

en partage, sur tout.
on écrit pas pour dire ce qu'on pense, mais pour le savoir. Ni pour dire quelque chose, juste chercher dans la langue, un endroit où impossible d'y aller sans - et que la langue fait juste repousser les endroits où impossible d'aller.

Anonyme a dit…

et si écrire c'était aussi résister ? ou plutôt et si c'était avant tout "acte et capacité d’inventer et de résister, récit du réel de ce monde dans lequel nous vivons et que nous avons en partage" (François Bon)?